Des gènes errants - Clap 65 - Retrouvailles

 



Bonjour, la Smala-aventi(clap 65) 

Allez, c'est reparti. 
Même si il faut aller de l'avant, parfois il faut savoir revenir en arrière ! 😜
Alors, sache que, si tu prends la lecture de ces petits textes en cours de route, arrête-toi de suite !.... Tu ne vas rien comprendre ! Il te faut revenir au tout premier texte, celui du 4 septembre 2023, intitulé « Ça part de là - Clap 1 » ,  et respecter l’ordre chronologique des claps…
Si tu es assidu-e et donc fidèle depuis le 4 septembre 2023, tu sais que cette histoire trace son chemin. Alors, ensemble, poursuivons-là...
Bonne lecture !

La précédente publication, assez lointaine, mériterait d'être relue, je te l'accorde, mais si tu as la flemme et une mémoire indélébile, juste pour rappel, voici comment ça s'arrêtait : 

"- Allo, dit-elle d’une voix affirmée, pensant avoir encore affaire au commissariat dans le cadre de l’incendie.

-       - Oui, salut, c’est Réjane.

Ludivine est scotchée. Enfin… Réjane… Mais elle n’a pas le temps de répondre que sa sœur prend les devants.

-       Ça te dirait qu’on se voit ? "


Ludivine avait religieusement noté l’adresse que Réjane lui avait donnée, bien en retrait de la ville. Elles avaient convenu ensemble de ce retrouver en ce jour ô combien symbolique, de la fête des pères, juste un an après que l’âme du leur se soit envolée. Enfin, elles avaient convenu ensemble… Ludivine avait acquiescé quand Réjane le lui avait proposé.

-       Tu comprendras… Comme ça, la boucle sera bouclée.

Ludivine était restée dubitative, pleine d’interrogation devant tant de mystère. Elle avait surtout hâte de retrouver sa sœur, le seul être constitué de son propre sang, encore sur cette terre. Et ça faisait tellement longtemps qu’elles ne s’étaient pas vues. En fouillant dans ses souvenirs, Ludivine avait retrouvé, à la lisière de sa mémoire cette fille révoltée qui l’avait rejetée devant témoin, quelques années auparavant, chez leur mère, alors que cette dernière était restée impuissante devant tant de hargne de la part de Réjane. Une Réjane révoltée, mais pas que. Une Réjane en colère, une Réjane électron libre, au corps couvert de tatouages ostentatoires. Tout ça avait heurté Ludivine et ses limites de compréhension avaient été tellement mises à l’épreuve, qu’au final elle avait choisi d’oublier cette image rebelle de Réjane pour ne garder que celle de la grande sœur, celle qu’elle avait toujours adulée, longs cheveux au vent de sa liberté.

Oui, aujourd’hui, Réjane est une jeune femme libre et bien dans ses pompes. Ludivine ne peut que l’admettre quand elles se retrouvent sur le seuil de sa maison. C’est un lieu atypique, un coin de bâtisse dans un magnifique corps de ferme. Seul l’endroit qu’elle occupe est entièrement restauré. Tout le reste est à comme à l’abandon, mais un abandon maîtrisé, laissant place à la nature qui, ne se sentant pas attaquée, prend juste ce qu’il faut de place et de joliesse pour rendre le lieu naturel, agréable, avenant.

La façade est en vieilles pierres mettant en relief la sérénité du temps qui passe, et quand Ludivine entre dans le logement, elle est subjuguée par l’espace offert que Réjane a décoré avec goût, avec soin, sans étalage ni ordre exagéré. Le lieu est vivant, lumineux, vibrant de bien-être, à l’image de sa sœur qui se tient devant elle, belle, brune, les yeux sombres et brillants, l’air serein.

Réjane ouvre les bras. Sans hésiter, Ludivine s’y blottit. Elles se serrent en une étreinte affectueuse et pleine de sororité. Ludivine a les larmes aux yeux. Elle a l’impression d’avoir retrouvé son nid. Elle se détache de l’étreinte, regarde sa sœur droit dans les yeux et lui dit, sourire aux lèvres :

-       Ça fait plaisir… Tu as l’air tellement en forme !

Réjane ne répond pas de suite, elle prend sa sœur à bout de bras et lui dit d’un ton affirmé, les yeux rieurs :

-       Oui, ça fait plaisir… Tu vas enfin être toi.

-       Qu’est-ce que tu veux dire par là ?

Réjane est pleine de mystère et pleine d’aplomb aussi. Mais, elle met sa sœur à l’aise.

-       Viens, je t’ai concocté un petit repas, on va se régaler.

Elle l’emmène à l’arrière du mas, sur une vaste terrasse ensoleillée et fleurie avec soin. Les couleurs alentours sont éclatantes, ça fait chaud au cœur et aux yeux. Ludivine est émerveillée de la quiétude du lieu. La nature les entoure en un cocon protecteur. Ludivine s’installe à la table dressée. Elle se sent la bienvenue, accueillie, attendue. Réjane est pleine d’attention à son endroit. Ludivine se laisse porter, mais revient avec insistance :

-       Alors, qu’est-ce que tu veux dire quand tu dis « tu vas enfin être toi » ?

-       Oui, tu vas enfin être toi, maintenant que le père est parti et que tu n’as plus à t’en occuper.

Ludivine a un voile de tristesse qui lui tombe dessus, mais Réjane poursuit.

-       Il parait que quand on perd nos parents, on grandit d’un coup, pffff…. d’un coup, d’un seul.

Ludivine veut lui répondre, mais Réjane enchaîne aussitôt.

-       Quand on perd ses parents, on sait qu’après, ce sera notre tour. C’est dans l’ordre des choses. Et on n’y peut rien. Qu’est qu’il y a à faire, alors ?

Ludivine fixe Réjane, sans trop comprendre. Réjane en profite pour reprendre la parole :

-       Y’a rien d’autre à faire que savourer. Savourer ce temps qui t’est offert. Arrêter de vouloir que tout soit autrement. Cesser d’avoir quelqu’un à soigner…  

-       Oui, soigner, c’est bien le mot, pour Papa.

-       Oui, mais maintenant, il est parti. Tu vas pouvoir t’occuper de toi, juste de toi…

Mais Ludivine bloque sur le sujet du père :

-       Il avait besoin de soin, il était incapable de s’occuper de lui tout seul. Qu’est-ce que j’aurai dû faire ? Le laisser ? Moi, perso, je pouvais pas partir…

Et puis, après un moment de réflexion, se souvenant de la façon dont Réjane avait été évincée violemment de la maison de maître au perron de pierre et au portail en fer forgé, elle reprit :

-       Bon, c’est sûr, vous vous entendiez pas, de toute façon, tous les deux…

Aussitôt, Réjane l’interrompt et ses yeux sont encore plus brillants mais aussi encore plus noirs à l’évocation des souvenirs.

-       Tu peux pas dire ça, Ludi ! Tu vois ça de ta place. Tu dis ça parce que ça fait si longtemps qu’on ne s’est plus vues. Tu crois que je l’aimais pas, Papa ? Tu crois que j’ai pas conscience que c’est mon père aussi et qu’à ce titre, je peux lui dire merci de m’avoir donné la vie ?


Réjane fait une pause, les yeux plantés dans ceux de Ludivine. Elles se scrutent, inquiètes l’une et l’autre. Leur relation ne fait que re démarrer, tout est fragile et le passé lourd, encore présent.

Mais Réjane, doucement, reprend :

-       C’est pas qu’on s’entendait pas, on était peut-être un peu trop pareil. Il m’a fallu m’éloigner de lui pour me trouver moi-même. En plus, c’était l’âge de l’ado, celui où on se cherche. Moi, je lui dis merci de m’avoir virée de chez lui, parce que depuis, j’ai avancé sur mon chemin et non pas sur le sien.


Réjane, face à Ludivine, coude sur la table, pose son menton sur ses deux mains en coupole et continue, les yeux dans le vague, comme pour mieux revivre son passé :

-       Que de choses, que de turbulences, que de fluctuations, que d’émotions et de remises en question ! Que de tout ça mêlé, qui fait le sel de la vie. On ne s’en rend pas compte de suite… Et puis, à un moment, on constate que tout se met en place, je me suis mise en place, dans ma base et tout a été bien pour moi, ensuite.

-       Oui, mais bon, tu voyais plus Papa….


Réjane a un léger temps d’arrêt mais répond du tac au tac :

-       Oui, des fois, il faut accepter de ne plus voir les gens. Ca n’a pas empêché que je pensais à lui souvent.

Et puis, après un nouveau temps d’arrêt, Réjane dit doucement à Ludivine :

-       Ludivine, il faut que tu penses à toi, maintenant. Ca sert à rien de vivre dans le passé. Il faut que tu oses mettre des mots sur la réalité. Et la réalité, c’est que Papa est mort. Il est parti, tu vas grandir d’un coup. Tu vas te recentrer, tu vas enfin prendre ta vie en main, à ta façon, pas à sa façon à lui.


Ludivine ne répond pas, mais elle encaisse, tout s’emballe dans sa tête sans qu’elle ne parvienne à répondre à sa sœur.

Alors, elles mangent en silence, chacune dans leurs pensées. Très vite, le besoin de communiquer, de remplir à nouveau ce vide silencieux entre elles, se fait sentir.

Et c’est Ludivine qui enchaîne :

-       De toute façon, on a des caractères différents, toi et moi, c’est normal qu’on vive pas les choses de la même façon.


Réjane cesse alors de manger, pose délicatement ses couverts et dit :

-       Oui, mais pour autant, tu es ma petite sœur. Tu crois que je t’ai laissé à l’abandon toutes ces années ? Non, en fait, je t’ai surveillée, de loin, de près. Tu t’en aies jamais rendu compte… Je voyais bien que tu avais cette volonté de ne te tourner que vers Papa. Ton côté mère Térésa. Personne ne peut te le reprocher. Mais il fallait que tu admettes que ton investissement à t’occuper du père était loin d’être proportionnel aux résultats qu’on pouvait escompter.


Un silence, puis Réjane reprend, haussant un peu le ton :

-       Ludivine ! Papa était malade ! Ma-la-de, tu entends… il aurait fallu le soigner, tu l’as dit toi-même, et tu n’avais pas les armes, c’est bien pour ça que pendant tout ce temps, tu t’es oubliée.


Ludivine voulu interrompre sa sœur, mais cette dernière était dans sa lancée :

-       Même après qu’il soit mort, tu as continué à aller dans cette sale maison. Je sais que tu y passais un temps fou, seule, enfermée… Je t’ai suivie avant et puis après aussi.


Réjane fait une pause et dit :

-        Tu sais que les maisons ont une âme ? Tu crois à ça, Ludi ?

-       Pourquoi tu dis ça ? Les maisons ont une âme ? Je comprends pas…

-       Oui, cette maison, même après que Papa soit mort, tu vois bien que ça continuait à avoir une emprise sur toi. Je t’ai suivie, et j’ai bien vu que tu ne décrochais pas, que tu continuais à ne pas vouloir grandir pour suivre ton propre chemin. T’es restée collée à un besoin de reconnaissance, tu étais prête à faire comme lui, te morfondre sur ton sort de petite fille mal aimée ou pas bien aimée. Alors, j’ai fait un truc pour te sauver de tout ça…


Ludivine regarde Réjane sans comprendre. Et c’est seulement quand Réjane fait le geste de prendre un briquet pour allumer une bougie sur la table que soudain, elle capte. 

Elle se souvient tout à coup des circonstances de l’incendie, alors qu’elle était en train de découvrir toute l’œuvre du père et ses cahiers, cette soudaine odeur de brulé, sa promptitude à s’enfuir du côté du perron éboulé tandis que le feu gagnait à grand pas, le portail ouvert alors qu’elle était persuadée de l’avoir religieusement fermé, la sensation d’avoir cru apercevoir Réjane au loin, pendant que les curieux étaient tous assemblés sur le trottoir. Elle avait rapidement chassé cette vision, certaine de faire erreur ; sa sœur était alors tellement absente de sa vie, c’était sans aucun doute son imagination qui lui jouait des tours.


Mais là, sur l’instant, alors que Réjane a le briquet à la main, quand Ludivine l’entend dire « j’ai fait un truc pour te sauver de tout ça », elle a la révélation que c’est bien Réjane qui a mis le feu à la maison de maître au perron de pierre et au portail en fer forgé. Elle le lit sur son visage.

Et son cœur tombe de haut, en chute libre.


La suite bientôt ?😎 

Sandrine L

Ecrivant


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