Des gènes errants - Clap 63 - Incendie
Bonjour, la Smala-aller-de-l'avant (clap 63)
La précédente publication s'arrêtait comme ça :
"Mais là, l’odeur qui arrive à elle, c’est comme une odeur vivante, en mouvement, une émanation, une alerte qui vient chercher le nez de Ludivine ; quelque chose est en train de cramer…..".
Oui, ça sent le brulé, vraiment, mais ça n’est pas la première fois que Ludivine est en alerte avec ce genre d’effluves ; les voisins alentours, ceux juste de l’autre côté gauche des garages qui entourent la cour, à gauche de la fenêtre du bureau où se trouve Ludivine, ont un jardin et bien souvent, aux meilleures heures du soleil, quand celui-ci daigne sortir de derrière les nuages, ils font des barbecues. Il suffit que le vent soit favorable et c’est parti pour une puissante odeur de viande grillée qui arrive jusqu’à la maison de maître.
Mais, non, là, ça n’est pas l’odeur d’un barbecue, même raté, c’est bien
plus entêtant, envahissant, beaucoup moins convivial. Ca sent vraiment le
brulé. Ludivine, légèrement contrariée de ne pas pouvoir continuer à prendre
connaissance des cahiers à sa guise, mais curieuse et un peu inquiète de cette
odeur persistante, se lève du confortable fauteuil en cuir pour se diriger vers la fenêtre du bureau qu’elle ouvre
péniblement d’une main, l’autre tenant encore les deux prochains cahiers
qu’elle était sur le point de découvrir. Mais quand elle tente d’ouvrir les volets pour appréhender cette odeur, impossible, ceux-ci restent bloqués. Il est vrai que du plus loin qu’elle
se souvienne, elle n’a jamais vu les volets de ce bureau ouverts ; la
fenêtre donne directement sur l’endroit même où les affaires de Réjane avaient
atterri, des habits mêlés à des livres et beaucoup de produits de beauté, de
flacons de parfum, laissant le lieu très odorant longtemps après la crise du
père et le départ consécutif et définitif de Réjane. Réjane… Quand elle pense à
elle depuis cet évènement, Ludivine imagine de longs cheveux noirs flottant au vent,
une silhouette élancée, le regard résolument tourné vers un ailleurs. Oui, depuis
son départ, c’est vrai, les volets du bureau du père étaient restés clos. A
jamais. Ludivine s’acharne encore un peu dessus, puis elle renonce.
Elle se sent de plus en plus mal à l’aise à cause de cette
odeur persistante qui l'incommode de plus en plus. C’est sûr, il y a un feu
quelque part, et il lui semble bien que c’est un feu très proche. L'angoisse monte en elle.
C’est en sortant du bureau qu’elle constate, désemparée et
interdite, qu’une fumée grise émane déjà du salon à gauche dans le couloir.
Elle n’a qu’une issue, celle d'aller tout droit vers la porte à moitié vitrée et renforcée
de motifs en fer forgé assortis au portail. Cette porte donne directement sur
le perron de pierre écroulé. Chance ! Contrairement à la porte du bureau
du père dont Ludivine n’a jamais trouvé la clé, cette porte à moitié vitrée,
qui devait aux beaux jours de la maison de maître au perron de pierre et au
portail en fer forgé faire office d’entrée principale, a la clé enfoncée dans sa
serrure. Ludivine n’hésite pas, elle se sent de plus en plus atteinte par les
émanations toxiques de l’incendie, elle tourne la clé et tire la lourde porte qui s’ouvre
laborieusement dans un grincement sinistre. Elle sort précipitamment de la
maison. Derrière cette porte depuis longtemps condamnée, le perron est certes
effondré, mais elle parvient à le franchir sans trop d’encombre, à sauter au
milieu des ronces et des mauvaises herbes dont le terrain est envahi depuis de très longues
années. Elle en a jusqu’à hauteur de cuisses et a bien du mal à se frayer un
chemin jusqu’au portail en fer forgé. Elle réalise alors que celui-ci est grand
ouvert. Il lui semblait bien l’avoir fermé consciencieusement pourtant, en arrivant. Elle n’a
pas le temps de réfléchir, il faut qu’elle s’éloigne du brasier que commence à
former la maison de maître.
Elle se retrouve sur le trottoir, dehors devant le portail
ouvert. Cette maison n’a jamais autant intéressé les gens ; un
attroupement est déjà en train de se former. On entend au loin la sirène des
pompiers. Ludivine, sous le coup de l’émotion et de la peur, le cœur battant la
chamade, s’est posée, assise, sur le bord du trottoir, un peu à l’écart du rassemblement. Elle est cependant vite repoussée derrière un périmètre supplémentaire
de sécurité, l’éloignant, elle et tous les curieux bien plus loin du brasier.
Les pompiers prennent les choses en main, de main de maitre, et parviennent au
bout d’une bonne heure à éteindre le feu, sans toutefois sauver grand-chose du
désastre, apparemment.
Malgré le premier gros nettoyage que Ludivine avait entrepris, le lieu était encore plein de papiers, d’objets futiles et inutiles qu’elle avait tant bien que mal relayés dans divers coins de la maison, hésitant à s’en débarrasser, encore sous le coup des injonctions du père qui ne voulait rien jeter. C’est ça qui avait dû prendre feu, pour une raison inconnue, tous ces déchets qu’elle aurait dû bruler elle-même. Ludivine tente de chasser de son esprit ce qu’elle n’a pas fait, ce qu’elle a fait, ce qu’elle aurait dû faire, pour éviter cet incendie… Toujours cette histoire de culpabilité si bien ancrée en elle.
Pensant l’action des pompiers terminée, elle retourne vers le portail de la maison pour savoir ce qu’il en est, si elle peut récupérer au moins son sac, mais les pompiers l’en empêchent, le feu peut reprendre à tout moment, il est plus prudent de ne pas rentrer dans la maison de suite, oui, même si Ludivine connait la maison par cœur, même si elle est de la famille des propriétaires. De toute façon, il n’y aura pas grand-chose à récupérer, lui confirme un des pompiers, devant les ruines fumantes et atrocement malodorantes. La maison au portail ouvert est devenue un paysage d’apocalypse…
Les curieux qui, quelques heures auparavant s’étaient entassés
devant le lieu du sinistre s’éparpillent peu à peu, à présent. Le spectacle est
terminé, chacun retourne à ses occupations. Ludivine, tout comme la maison, est
effondrée. Elle a le sentiment d’un vaste gâchis. Regardant autour d’elle la
dispersion des gens qui s’éloignent tous d’un pas lent et silencieux, comme à
la fin d’un spectacle, soudain, elle croit reconnaître les longs cheveux noirs et la
silhouette élancée de Réjane, au loin... Non, ça n’est pas possible, ça ne peut
pas être elle, voilà des mois et des mois que Ludivine tente d’avoir de ses
nouvelles, depuis la mort du père, et jamais elle ne répond. Non, ça ne
peut pas être Réjane ; résolument, sa sœur se tient loin de la maison
brulée au portail ouvert. Quoiqu'il en soit, Ludivine ne sait même pas où elle est…
Elle en est là de ses pensées lorsqu’elle s’aperçoit qu’elle a gardé serré dans sa main les deux cahiers suivants qu’elle était sur le point d’ouvrir.
La suite dans quelques jours ?😎
Sandrine L
Ecrivant
La suite...!
RépondreSupprimerSuspense insoutenable 👌
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