Des gènes errants - Clap 36 – Boum !
Bonjour la Smala-vie-comme au cinéma (clap 36)
Si tu prends la lecture de ces petits textes en cours de route, arrête-toi de suite !.... Tu ne vas rien comprendre ! Il te faut revenir au tout premier texte, celui du 4 septembre 2023, intitulé « Ça part de là », et respecter l’ordre chronologique des claps…
Si tu es assidu-e depuis le 4 septembre
2023, tu auras remarqué que, désormais, cette histoire trace son chemin. Alors
ensemble, poursuivons-là…
Bonne lecture !
La
fête se prépare, la salle est réservée, le DJ est nommé, les essais-son
résonnent tout autour du lieu, jusqu’à faire vibrer le peu de verdure
avoisinant. Anna la chanteuse, compte bien donner d’elle à cette soirée, par sa
voix et son aisance sur la piste de danse, c’est prévu ! Ça ne fera que
confirmer qu’elle fait toujours l’unanimité, elle baigne en ce milieu festif
comme un poisson dans l’eau, comme dans tous les milieux, d’ailleurs. Mais le
lieu de ce soir n’est pas une boite de nuit, c’est juste une salle des fêtes
louée par l’entreprise où Anna et Ludivine sont caissières, pour que tous les
salariés passent ensemble un moment de convivialité, pour se retrouver, pour parler
de choses et d’autres dans une ambiance détendue de salle de repos, sauf que
les conversations seront fortement entravées par la musique à fond au rythme de
tout le répertoire vocal qu’interprètera Anna et les morceaux en vogue qui
passeront sur la platine. Ludivine va pouvoir voir son amie dispenser sa voix
au travers d’un vrai micro, Anna va être mise en évidence sous les projecteurs
et danser à l’unisson de tous, sous la boule à facettes. Ludivine est
impatiente. Dans le petit studio d’Anna, elles se préparent ensemble à ce
moment d’usage pour Anna, une première pour Ludivine. Mais, elles sont aussi
excitées l’une que l’autre.
-
Avec les yeux que tu as, un rien pourrait
les mettre en évidence, dit Anna à Ludivine.
-
Ah bon tu crois ? J’ai les yeux
fades, tu veux dire.
-
Mais non ! regarde… Déjà, mets un
peu de fard, là, dit-elle en lui caressant doucement la paupière du bout d’un
doigt. Et puis, tu mets un peu d’eyeliner, comme ça… Vas y, lève la tête et
baisse les yeux, comme si tu voulais regarder de haut ton reflet dans le
miroir…
-
Hmmm…
-
Et hop, des petits coups de brosse sur
tes cils, ça les rallonge magnifiquement…
-
Hummm, ouais, dit Ludivine qui n’a
jamais maquillé ses yeux. C’est vrai que c’est joli…
-
Tiens, pour ce soir, j’ai un truc que
tu pourrais mettre, c’est trop petit pour moi, je suis sûre que ça va t’aller
vachement bien.
Anna
tend à Ludivine une robe unie noire à manche courte. Lorsqu’elle l’enfile, elle
constate qu’elle lui arrive bien au-dessus des genoux, est fendue sur le côté
droit, dévoilant la moitié de sa cuisse. Jamais elle n’aurait pensé pouvoir
mettre un truc comme ça, mais Ludivine fait confiance à Anna, et ça lui va à
ravir. En plus, elle se sent pousser des ailes là-dedans, elle se sent féminine
tout à coup, elle qui est toujours habillée comme un sac.
Anna
et les sonorités de la sororité, Anna et leur complicité parfaite, Anna et sa
simplicité en toute humilité. Ludivine est fière d’être aux premières loges de
son amie transformée ce soir en vedette, elle engrange tous ses bons conseils
et chasse de son esprit la maison de pierre au perron éboulé et au portail
rouillé. Le père n’a pas posé de question quand Ludivine a prévenu que le soir
même, elle allait rentrer plus tard que d’ordinaire pour cause de réunion de
toute l’équipe, au travail, suivie d’un repas collégial. Inutile de l’affoler
d’avantage, le père… Les soirées danses, d’instinct, Ludivine sait très bien ce
qu’il en pense, elle a fait l’impasse sur le sujet et est partie ce matin, se
sentant coupable de mentir par omission. Et là, dans le petit studio d’Anna,
cette fichue culpabilité lui colle à la peau, la rattrape à nouveau. Coupable
de ne pas dire les choses, coupable que le père soit malheureux, coupable du
soleil qui se cache, coupable dès qu’il faut trouver un coupable. Coupable de
vouloir s’amuser, de mettre une robe, de se maquiller et d’aimer ça.
Marc,
le DJ, a les cheveux gominés, le nez épaté et de tous petits yeux bleus
enfoncés sous des paupières tombantes. Il manie les curseurs de sa disco mobile
de main de maître, il met une ambiance de fou, synchronisant le son à la
lumière. Anna s’accorde avec lui pour enchaîner les morceaux de musique en
vogue avec les chants de son propre répertoire vocal. Le micro met joliment sa
voix en valeur, même si elle n’a pas besoin de cet artifice pour enchanter son
auditoire. La soirée est fabuleuse mais Ludivine ne danse pas, Ludivine ne sait
pas danser. A part les slows, peut-être. Les slows, en vrai, ça a l’air trop
facile, y’a qu’à se laisser porter. Mais quand Marc l’invite, Ludivine trouve
que c’est très gênant cette proximité de leurs deux corps, serrés l’un contre
l’autre alors qu’ils ne se connaissaient pas quelques heures auparavant. Marc
est quelque peu entreprenant. Bien plus grand que Ludivine, il l’enlace
aussitôt n’attendant pas son approbation juste après lui avoir proposé le slow
qu’il vient lui-même de lancer sur les platines, annonçant au micro de sa voix
de crooner :
-
Et maintenant !... un peu de
repos, avec ce faaaabuleux morceau : « Still loving you » de
Scorpion. Yeh !.....
Les
premières notes s’égrènent, les couples se forment, la voix enrôleuse du
chanteur raisonne dans toute la salle et Ludivine se laisse emporter par la
langueur du titre qu’elle n’avait jamais entendu. Elle n’a pas pu ni oser
refuser à Marc son invitation. A présent, elle sent son odeur et son corps tout
contre elle, elle ne sait pas où poser ses mains, alors, elle les accroche l’une
contre l’autre derrière le dos de Marc et tente de se laisser porter. Pas si
facile que ça, les slows au final, mais peu à peu, elle parvient à se laisse
aller en une langoureuse indolence. Il faut bien se lancer, lâcher la rampe et
y aller, laisser derrière la maison de maitre au perron éboulé et au portail
rouillé, sauver sa peau, vivre sa vie. Ludivine se laisse aller mais elle ressent
toujours ce petit fond de culpabilité. Coupable de se laisser aller, coupable
que Marc lui plaise, coupable de danser avec lui et d’aimer ça, cette proximité
de leur deux corps.
Soudain,
un cri, puis une voix tente de couvrir la musique :
-
Eh, attendez, y’a un problème, arrêtez
la musique !....
Une
confusion, un attroupement. Promptement, Marc a lâché Ludivine, s’est précipité
vers sa disco mobile, stoppant net musique et lumière. Brusquement, il fait
noir, seul le brouhaha confus des voix et des rires de ceux qui n’ont pas
compris qu’il y a comme un souci, raisonnent dans la salle enfumée et sombre.
Quelqu’un allume les néons et tout à coup, la salle apparait telle qu’elle est,
sous la lumière crue, chaises et tables refoulées le long des murs, des
cendriers débordant de mégots écœurants, des verres en plastique traînant un
peu partout.
Ludivine
abandonnée par Marc, soudain, est mal à l’aise.
-
Poussez-vous, faut lui laisser de
l’air…
-
Faut appeler un médecin !
Marc,
après avoir éteint sa disco mobile reste tout aussi désemparé et inquiet que
Ludivine. Ensemble, ils s’approchent du petit groupe qui s’est formé. Au milieu
d’eux, Anna git au sol, se tordant furieusement, comme si elle était la proie
d’un démon. Sa langue est sortie de sa bouche et de la bave en sort abondamment
collant ses boucles brunes sur sa joue. Ses membres se raidissent par à coup.
Ses yeux largement ouverts fixent un point au plafond, tellement fixement que
Ludivine, instinctivement, suit son regard et ne voit rien d’intéressant à
observer là-haut. Ludivine ressent un trouble tout au fond d’elle, l’immobilisant
totalement, figeant son corps sur place, incapable de faire le moindre
mouvement vers son amie au sol qu’elle ne reconnait pas. Où est donc passé la
superbe et le charisme fou d’Anna ?
La suite dans quelques jours ?
Sandrine
L
Ecrivant
La suite
RépondreSupprimerLa pauvre Anna 🙁 une crise d’épilepsie ?
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