Des gènes errants - Clap 26 – un monde dangereux


Bonjour la Smala-vie-comme au cinéma (clap 26)

Si tu prends la lecture de ces petits textes en cour de route, arrête toi de suite !.... Tu ne vas rien comprendre ! Il te faut revenir au tout premier texte, celui du 4 septembre 2023, intitulé « Ca part de là »,  et respecter l’ordre chronologique des claps…

Si tu es assidu-e depuis le 4 septembre 2023, tu auras remarqué que cette histoire a désormais pris son autonomie. Alors ensemble, poursuivons-là…

Bonne lecture !

 

« Quelques jours plus tard, Ludivine mesure l’ampleur du sacrilège, quand, en aparté, la directrice lui demande si « communier » a une signification pour elle. Bien sûr que ça n’en a pas. Encore moins quand la religieuse lui détaille cette pratique, lui parlant du corps du Christ représenté par l’hostie, ce fameux crouton insipide déposé sur la langue du communiant. Durant une fraction de seconde, elle se sent en appartenance, reliée au petit monde scolaire et puis très rapidement, la directrice lui dit :

-       Bon, on n’en parle plus, ça ne te parle pas puisque ça n’est pas ta religion.

Alors, la fraction de seconde suivante, elle se sent différente, à part, exclue, impie, seule et coupable. Et c’est comme ça qu’elle fait ses expériences : à part, avec un persistant sentiment d’exclusion, de solitude et de culpabilité. Elle se tait. Elle garde pour elle, ravale l’hostie et son souvenir âpre. De toute façon, c’était dégueu…

Beaucoup de choses deviennent dégueu, d’ailleurs, dans sa vie, à Ludivine. Peu à peu, certaines situations lui pèsent. Peu à peu, elle ressent de l’insatisfaction. Et peu à peu, elle se fige dessus, jamais tranquille.

Ou bien c’est parce que, autour d’elle, ça s’accélère qu’elle se fige sur ce qui arrive, recevant tout en pleine face, à fleur de peau, mais toujours en silence ?

Un jour, à la sortie de l’école, elle reconnaît Marie-Jeanne, Réjane, sa grande sœur, accompagnée d’un garçon. Ils ont l’air de bien se connaître, ils sont serrés l’un contre l’autre.

Si Manie et Panou ont fait des pieds et des mains pour inscrire leurs petites filles dans une école de filles, c’est pour éviter ça. Ludivine l’a bien compris, sans saisir toutefois, en substance, l’ampleur de ce qu’il y a à éviter.

Quoiqu’il en soit, en toile de fond, elle sait que les garçons sont dangereux et plus encore les filles quand elles commencent à avoir leurs règles. Un jour, elle l’a bien entendu au détour d’une conversation dans la chaleur ambiante de la cuisine aux couleurs criardes de la maison de maître au perron de pierre et au portail en fer forgé :

-       Manquerait plus que ça, qu’elle nous ramène un polichinelle dans l’tiroir…

Sur le moment, elle n’a pas bien compris la signification de cette expression fortement imagée. Polichinelle ? Ça ressemble fort à Pinocchio… Une marionnette, alors ? Une marionnette avec un grand nez ? Dans un tiroir ? Si c’est fermé, ça ne se voit pas. Et puis, un tiroir, c’est dans une commode, ou dans une armoire… Ca ne bouge pas… Ça ne se ramène pas… Ouh, que de mystères !

Et puis, à vivre dans le monde, à l’extérieur, à faire ses propres expériences, en silence, à l’écoute de tout ce qui l’entoure, peu à peu, tout s’est éclairé, le puzzle s’est mis en place : le monde à l’extérieur représente un grand danger.

Alors, quand elle voit Réjane embrasser ce garçon à pleine bouche, ça lui fait très peur. Elle a peur pour sa sœur, peur pour elle, peur que les murs ne tremblent et que les yeux du père ne s’assombrissent, figés sur un point connu de lui seul, peut-être, cette fois, sur ce fameux Pinocchio enfermé dans un tiroir…

Que le père entretienne cette probabilité, perdu qu’il est dans son marasme et déjà si différent des autres comme commence à le percevoir Ludivine, c’est une chose, mais que Manie et Panou acquiescent à cette peur, aillent dans ce sens, encre encore plus d’incertitudes et de culpabilité dans l’esprit de Ludivine. Clairement, l’extérieur de la maison, c’est confirmé, c’est un grand danger.

Elle rentre à la maison. Ce jour-là, Réjane n’est pas avec elle. Quand elle a vu sa sœur l’attendre, elle lui a dit :

-       Vas-y, Ludi, rentre à la maison, j’arrive plus tard.

-       Oui, mais qu’est-ce que je lui dis, si il me demande où tu es, Papa ?

-       Tu lui dis que j’arrive.

Ludivine rentre à la maison, seule, lourde d’une culpabilité inexplicable. Pourquoi se sent-elle toujours coupable quand les choses dissonent autour d’elle, comme chargée d’une mission de rendre la vie belle alentour et tous les gens qui l’entourent.

Elle ouvre le portail en fer forgé qui grince, remonte l’allée couverte de fientes et de vieilles feuilles, dans la prolongation du perron de pierre, arrive sous le saule pleureur qu'on a toujours pas taillé et qui pleure ses branches jusqu'à terre.  Le père est là, déjà sombre, agité et agressif.

-       Pourquoi t’es en retard ? Elle est où Réjane ?

-       Elle va arriver…

L’extérieur, un danger ? Et pourquoi Ludivine se sent aussi dans un imperceptible danger grinçant, environnant et permanent quand elle est dans la maison de maître au perron de pierre et au portail en fer forgé ? »

 

La suite dans quelques jours ?

 

Sandrine L

Ecrivant

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