Des gènes errants - Clap 25 – vieux crouton
Si tu prends la lecture de ces petits textes en cour de route, arrête-toi de suite !.... Tu ne vas rien comprendre ! Il te faut revenir au tout premier texte, celui du 4 septembre 2023, intitulé « Ca part de là », et respecter l’ordre chronologique des claps…
Si tu es assidu-e depuis le 4 septembre
2023, tu auras remarqué que cette histoire a désormais pris son autonomie.
Alors ensemble, poursuivons-là…
Bonne lecture !
« Le
temps s’écoule indubitablement. Que ce qu’il advienne soit fluide ou cahotique,
douloureux ou joyeux, réfréné ou sur les chapeaux de roues, trouble ou
ensoleillé, le temps file entre les doigts, mais il se traîne pour qui est
jeune…
Nous voici cependant à l’aube d’un envol, celui du passage d’une saison d’âge à l’autre. Ludivine est au tout printemps de sa vie quand Réjane commence à percevoir les prémisses de l’été, la saison chaude, la saison des permissions. Réjane se permet, en bonne aînée qu’elle est, d’ouvrir le chemin des autorisations sans pour autant parvenir à valider quoique ce soit. Tout se fait en force. Elle contre les interdits dans un aplomb qui, aux yeux de Ludivine, fait peur. Ludivine a peur. Peur des voix qui se haussent, des portes qui claquent, des privations qui s’ensuivent, des disparitions du père dans son antre au fond de la maison, de ses yeux de plus en plus hagards. Chaque jour d’avantage, elle ressent aussi, tout au fond d’elle, un mystérieux sentiment de culpabilité… Et puis, pourquoi Manie et Panou sont continuellement à la maison, depuis quelques temps ?
Ludivine, de moins en moins, trouve en Réjane un modèle.
Elles ne pleurent plus à l’unisson. Elles ne pleurent plus tout court. Elles se
durcissent et s’endurcissent. Elles sont tendues chacune dans la perception de
leur environnement, Ludivine aux aguets de ceux qu’elle côtoie, Réjane,
curieuse d’un autre monde que lui offrent ses nombreuses lectures et son regard
constamment tourné sur l’extérieur. Réjane veut voir du monde, faire en sorte
que le monde vienne divertir la routine angoissante et lourde de la vie qu’on
mène dans la maison de maître au perron de pierre et au portail en fer forgé.
Ludivine, elle, a peur, tout en étant pétrie tout au fond d’elle d’une forme de
culpabilité mystérieuse et constamment présente, consciente intuitivement d’une
fratrie embourbée dans des problèmes dont elle n’a pas encore perçu
l’envergure, mais tout de même, elle ne veut pas en rajouter ; elle ne
peut pas se permettre d’aller au-devant du monde sans auparavant sortir son
père du mal être dont il semble être le prisonnier. Alors, elle ne trouve
qu’une attitude à adopter ; elle écoute et met en application les consignes,
toutes les consignes :
-
Aucun étranger ne peut entrer dans la
maison !
- Après
les cours, c’est la maison !
- Les
seules sorties autorisées sont l’école et la bibliothèque et puis, retour
immédiat à la maison !
-
Dehors, c’est dehors et personne ne
rentre dans la maison de maître au perron de pierre et au portail en fer forgé.
Réjane,
elle, n’est pas sensible à ces consignes, elle est en rébellion. De plus en
plus, elle contre ces interdits, s’opposant impétueusement aux règles érigées.
Et ça pète tout le temps.
Heureusement,
Ludivine a l’école pour s’évader, éviter le bord du précipice, reprendre
souffle entre les tempêtes, trouver du calme, de l’apaisement, et à l’instar de
sa sœur, diriger également un peu son regard vers l’extérieur. Ludivine reste fidèle
à son innocence de toujours : « Ben oui, tiens, c’est vrai, il y a un
ailleurs possible…».
Cet
établissement scolaire, à l’inverse de la plupart de ses camarades de classe,
est le lieu où Ludivine aime être. C’est une école de filles, une école
religieuse où Manie est parvenue à inscrire Réjane et Ludivine malgré le coût
engendré pour leur fratrie qui ne roule pas sur l’or. Aller à l’école public
aurait été plus simple, mais non, Manie et Panou ont quelques relations qui
leur ont permis de faire en sorte d’inscrire les petites dans un établissement
sérieux, leur assurant un avenir qu’ils espèrent radieux, a minima munies d’un
baccalauréat. Le côté religieux de l’établissement agace le père quand on en
parle, mais intrigue Ludivine quand elle y est.
Une
chapelle est juxtaposée à l’école. C’est un lieu chargé de mystère où il se
pratique de drôle de rituels, des trucs répétitifs auxquels Ludivine ne
comprend pas grand-chose, mais qui la transportent dans une sorte de béatitude.
De ce lieu, il en sort aussi de merveilleux sons, des voix cristallines qui
égrènent des chants incompréhensifs mais enveloppants qui l’aspire totalement
vers le haut surtout quand elle est au milieu du chœur. Oui, parce que de temps
en temps, elle se laisse porter par le flot des rangs, elle rentre dans la
chapelle, elle y est autorisée malgré l’éducation religieuse inexistante les concernant,
elle et Réjane, pendant les heures où elle n’a pas cours, pendant les heures où
il s’y passe des choses, dans la petite chapelle. Pourvu qu’elle ne fasse pas
plus de bruit qu’il n’y en a. Elle aime le calme ambiant du lieu, le respect du
silence qui s’impose comme si les pierres de la petite chapelle à elles seules
avaient droit à la parole, fortes de ce qu’elles portent de souvenirs,
d’Histoire et d’histoires à raconter. Ludivine s’attend à entendre parler les
pierres. Mais c’est l’écho des bruits ambiants qui parlent bien souvent et qui
se heurte à la fraicheur du lieu, parce que hiver ou été, la température y est
agréable avec constance.
Justement,
c’est Constance, sa meilleure copine qui est avec elle, cette année-là.
Constance est dans la même classe que Ludivine. Blondinette aux yeux clairs, à
l’aise en toute circonstance, elle a un franc parlé et une énergie débordante
qui l’a de suite attirée vers Ludivine d’un naturel plus nonchalant. Ensemble,
elles échangent et apprennent avec curiosité et entrain. Constance veut
comprendre, Ludivine aime le mystère des choses impénétrables. Ludivine trouve
Constance parfois fatigante, elle a du mal à la suivre. Constance trouve
souvent Ludivine trop inerte, elle la secoue, l’encourage, la porte et souvent
la fait se dépasser. Parfois, bien sans le vouloir, elle l’emporte bien au-delà
de ses limites…
Ce
jour-là, dans la chapelle, au milieu des chœurs et des discours dont Ludivine
se laisse bercer sans y porter une attention soutenue, elle suit Constance et
le mouvement, sans se poser de question. Tout le monde se lève pour aller se mettre en file indienne, puis
avance lentement dans un silence religieux (c’est le cas de le dire) jusqu’au
chœur de la chapelle. Là, la conduite à tenir une fois que c’est son tour,
Ludivine l’a bien observée, c’est de faire une légère génuflexion, baisser les
yeux, ouvrir légèrement la bouche tout en sortant délicatement la langue et se
voir déposer dessus… Ah flute ! Ludivine n’arrive pas à voir ce que
c’est ! C’est quand arrive son tour qu’elle sent sur sa langue que le curé
lui a déposé un vulgaire crouton sec et fin, qui rapidement fond au contact de
sa salive. »
La suite dans quelques jours ?
Sandrine
L
Ecrivant
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