Des gènes errants - Clap 15 – Soleil et lune

Bonjour la Smala-vie-comme-au-cinéma  - (Clap 15)

Adieu, salles obscures ! Salut, page immaculée !

Peur du noir ou vertige de la page blanche ? Aucun des deux, mon capitaine !

Je continue mon voyage au long cours…

Come on !...


« Marie-Jeanne et Ludivine sont dans le petit bureau de l’assistante sociale. C’est un nouveau rendez-vous, une rencontre supplémentaire, qui les sort de la maison de maître au perron de pierre et au portail en fer forgé. Ca n’est pas qu’elles en soient heureuses, impatientes et curieuses de ces séances, non, mais ça leur fait voir d’autres horizons, d’autres séquences, d’autres ambiances. Et puis, ce sont des rendez-vous incontournables qui semblent ne pas leur laisser le choix que d’y aller… Mais, on a toujours le choix, et notamment celui de vouloir le trouver. Pour Marie-Jeanne et Ludivine, il s’agira de s’intéresser ou pas à ce qui leur est proposé.

Sur l’instant, tout ce qu’elles savent, c’est qu’elles sont là, sans leur père, resté dans la maison de maitre au perron de pierre et au portail en fer forgé et sans leur mère, une ombre fantomatique dans le bureau de Mélanie, l’assistante sociale. Sur l’instant, tout ce qu’elles savent, c’est que ces rendez-vous dans ce bureau font d’elles comme un trait d’union entre leur père et leur mère, sans jamais parvenir à les unir. 

Elles dessinent, elles lisent, elles parlent avec la dame et aussi avec d’autres dames, elles voient d’autres enfants, elles entendent des choses, des murmures, des chuchotements, parfois des éclats de voix ou de rire. Elles ne sont pas seules et pourtant, Ludivine, en tout cas, ressent comme un grand vide.

Elle tend l’oreille, ouvre grand les yeux, et continue à ne dessiner que des soleils. Tel est son choix. Ses soleils sont de plus en plus grandioses, de plus en plus imposants, parfois jaunes, parfois noirs et leur couleur ne dépend jamais du temps qu’il fait dehors. Ses soleils fondent tout le reste. Le reste n’existe pas.

L’assistante sociale lui parle toujours de façon enjouée et aussi toujours comme si elle avait à faire à une petite cruche. Ludivine continue à  tout saisir, tout  comprendre, mais elle reste toujours incapable de le montrer, de communiquer, tout comme ses dessins qui passent à côté de ce qu’elle ressent. Il n’y a que des soleils et le reste demeure terne.

-           Le soleil, c’est le père, hein, a-t-elle entendu l’assistante sociale, dire à sa collègue assistante aussi.

Le soleil, c’est le père ? Mais oui ! Oui, c’est bien ça. Son père, comme le soleil brille au fond de ses yeux, il l’inquiète et la dérange, aussi. Comme un soleil trop chaud.

La nuit, Ludivine ferme les paupières. Le soleil dort en elle pendant que la lune tente une présence. Peut-être.

-           Et la lune, c’est la mère, a-t-elle entendu l’autre assistante sociale affirmer à sa collègue assistante aussi.

La lune rend fantomatique toute chose, si tant est qu’elle veuille bien se montrer. Ludivine se souvient… Les rares fois où elle ne dort pas, elle aime regarder la nuit noire sur le jardin par la fenêtre de leur chambre. Une de ces nuits, elle avait distinctement perçu la cour, la tonnelle, le saule pleureur et les garages plus loin, sous la lumière crue de la lune, dans la maison de maître au perron de pierre et au portail en fer forgé. La lune était pleine alors, donnant un ton argenté et irréel à tout ce qu’elle éclairait.

Mais oui ! Oui, c’est bien ça, sa mère, comme la lune, est un fantôme.

« Le soleil a rendez-vous avec la lune, mais la lune n’est pas là et le soleil l’attend »𝅘𝅥𝅯𝅘𝅥𝅱.  Ludivine connait bien cette chanson de Charles Trenet. Son père met toujours le son plus fort quand elle passe sur les ondes, à la maison. Mais oui ! Le soleil et la lune, c’est toute l’histoire de ses parents. Ils n’ont jamais été au rendez-vous. Dans la maison de maître au perron de pierre et au portail en fer forgé, ou ici, dans ce bureau des assistantes sociales, c’est leurs ombres qui se confondent sans jamais se mêler. C’est pour ça qu’elle sait depuis longtemps que le soleil et la lune ne se rencontreront jamais. Elle le sait. Ça n’est pas la peine de le chanter, Charles … « Mais la lune n’est pas là et le soleil l’attend… »𝅘𝅥𝅲♪♩

Ludivine aime se raconter des histoires au gré des informations glanées çà et là ; elle imagine que c’est par la grâce d’une étoile filante qu’elles sont nées, elle et sa sœur. Cette étoile a relié le soleil et la lune, fugacement, discrètement, d’une traînée de poudre d’étoile, d’une ligne discrète et continue, invisible à l’œil nu. Elles sont nées d’une étoile filante qui a relié leur père-soleil à  leur mère-lune. C’est sa croyance, à Ludivine.

Sur les dessins que l’assistante sociale récupère à chaque séance, quand Ludivine dessine un soleil, elle trace un cercle jaune vif ou sombre, c’est selon et toujours, il y des rayons tout autour. Ca irradie, ça s’épanche, ça illumine ou ça obscurcit, ça ternit, c’est selon. L’astre est puissant. Il réchauffe, fait du bien, réconforte, détend quand sa chaleur est bien dosée. Par trop de puissance, il peut brûler aussi, déranger, faire des dégâts, beaucoup de dégâts, irrémédiablement... Oui, son père est tout ça:  réconfortant et dérangeant à la fois.

La lune, sur ses dessins, est la plupart du temps, absente, éludée. Oui, Ludivine élude sa mère au fil des jours.

Mais elle continue à chanter comme Charles, parce qu’au fond d’elle, même si ça traîne un peu, elle attend la suite… ».

 

Toi aussi tu attends la suite ? Dans quelques jours ?😉

 

Sandrine L

Ecrivant

Commentaires

  1. J'aime beaucoup l'idée de l'étoile filante qui relie la lune et le soleil, la maman et le papa, la mère et le père ... pauvre petite Ludivine, comme je comprends bien tous ses tourments, avec ce père qui est là sans être là, et cette mère qui n'est pas là, sans être totalement absente, telle un fantôme....

    RépondreSupprimer

Enregistrer un commentaire

Posts les plus consultés de ce blog

Des gènes errants - Clap 1 - Ca part de là

Des gènes errants - Clap 3 - Des hydratations

Des gènes errants – Clap 2 – Berceau