Des gènes errants - Clap 45 – Un coup de fil


 

Bonjour la Smala-vie-comme au cinéma (clap 45)

Si tu prends la lecture de ces petits textes en cours de route, arrête-toi de suite !.... Tu ne vas rien comprendre ! Il te faut revenir au tout premier texte, celui du 4 septembre 2023, intitulé « Ça part de là »,  et respecter l’ordre chronologique des claps…

Si tu es assidu-e depuis le 4 septembre 2023, tu auras remarqué que, désormais, cette histoire trace son chemin. Alors ensemble, poursuivons-là…

Bonne lecture !

Et des signes, à partir de ce jour, Ludivine en voit partout, en tout cas, elle y est sensible.

Son séjour à l’hôpital ne s’éternise pas, contre toute attente. Elle en sort rapidement, au grand soulagement de Marc et de sa mère. Elle, elle ne sait pas si elle est soulagée. Elle a quelques contusions que son corps rappelle à son esprit inlassablement, douloureusement parfois. Mais tout va rentrer dans l’ordre, on lui a promis. Elle a perdu connaissance, mais les examens n’ont pas révélé de traumatisme cérébral. Cependant, malgré ces bons résultats, Ludivine sait que rien ne sera plus jamais comme avant. A partir de ce jour de fête des mères, à compter de cet accident, précisément, angoisse et anxiété ne la quittent plus, c’est indéniable ; en tombant lourdement sur l'asphalte, il y a comme une brèche qui s’est ouverte dans son cerveau et dans son corps la laissant béante à l’indicible, la laissant vulnérable et intuitive à l’imprévisible. Rien n’est visible sur les clichés des médecins, mais elle se sent différente. Ainsi, elle refait inlassablement le film à l’envers espérant changer le cours des choses, tout est sujet à ressasser, à répéter sans cesse les moments ratés et aussi les moments à venir, déroulant sans répit les différentes hypothèses, les différentes possibilités pouvant survenir pour chaque situation. Elle en est certaine, cet accident, elle sent qu’il n’est pas survenu par hasard, c’est un signe, le signe qu’elle est sur le mauvais chemin, le signe qu’il faut qu’elle change quelque chose dans sa vie. 

Elle se sent aussi, paradoxalement plus curieuse et plus forte, prête à mener à bien de nouvelles orientations par sa seule volonté et non en suivant le cours de l’eau. Le père ne veut pas lui ouvrir ? Alors, elle décide de cesser ses allées incessantes à la maison de maître au perron éboulé et au portail fermé. Son boulot la ramène trop souvent au souvenir d’Anna ? Alors, elle décide qu’elle va changer de travail. Elle se fait renverser le jour de la fête des mères ? Alors, elle fait le choix de ne pas creuser la recherche. Elle aime bien Marc mais pas suffisamment ? Alors, elle décide qu’elle va le quitter, lui et sa mère, lui et sa disco mobile, lui et son amour dépendant. Elle a besoin de souffler, elle rêve de vivre seule, sans contrainte, ni dépendance, sans compte à rendre enfin, ni contre temps, car oui, désormais consciente de l’imprévisible, elle sent que le temps presse. Elle sait qu’elle va rendre Marc malheureux, elle connait les effets de l’abandon, mais après tout, il a sa mère, lui, il n’est pas seul, et sa mère est solide, même si elle aussi sera heurtée que Ludivine quitte son fils bien aimé.

Elle a donc du pain sur la planche. Mais, ne plus passer par la maison de maître au perron écroulé et au portail fermé, ne plus s’attarder en salle de repos à son travail pour ressasser les souvenirs d’Anna avec ses collègues, ne plus attendre à l’appartement que Marc termine ses enchaînements musicaux à la perfection avec son casque sur les oreilles, tout ça lui laisse du temps, beaucoup de temps. Suffisamment pour trouver un autre boulot, pour prospecter un nouveau logement, du temps libre pour ne plus en passer avec Marc, pour se durcir devant son amour scratch. Et le jour où tout explose, Marc est effectivement très malheureux, tout se délite et la culpabilité, cette fichue culpabilité qui ne l’a jamais lâchée, frappe Ludivine encore plus, au point qu’elle regrette presque de lui faire tant de mal. Oui, cet accident a ouvert une brèche de conscience, mais aussi un accès à l’incertitude souvent généré quand on est face à des choix.

Voilà trois bons mois qu’elle est dans son nouveau chez elle. C’est une toute petite chambre de bonne au dernier étage d’un vieil immeuble. C’est très petit mais c’est tout ce qu’elle a trouvé à cause de son tout petit salaire, ça a au moins le mérite d’être entièrement chez elle et chez Misti, son chat. Un soir, elle y reçoit un coup de téléphone.

-       Bonjour Ludivine, ça va ?

Elle reconnait la voix grave et rocailleuse de la mère de Marc.

-       Bonjour Josiane, oui, ça va, et vous ?

Ludivine a conservé des liens avec Josiane. Elles s’apprécient l’une et l’autre et se sont promis de se donner des nouvelles malgré les circonstances. Comme une connivence féminine... Ludivine pressent toutefois que si Josiane l’appelle, là, si tard dans la soirée qui plus est, ça n’augure rien de bon. De fait, après les formules d’usage, Josiane lui dit :

-       Marc a fait une grosse bêtise.

Même si elle est inquiète et curieuse de la suite, Ludivine ne peut pas s’empêcher de rire intérieurement tant la formule ressemble à ce que pourrait dire une maman à son tout petit garçon. Or, Marc est majeur, il a l’âge du service militaire, il a d’ailleurs été appelé juste avant que Ludivine ne le quitte, freinant des quatre fers dès qu’ils en parlaient, arguant le fait qu’il ne pourrait jamais se soumettre à ce truc débile, comme il disait ; il ne veut pas faire la guerre, il veut faire DJ.

-       Ah bon, qu’est-ce qu’il a fait ? demande Ludivine.

-       Bien… je vois, qu’au final, ça t’intéresse ?

Ludivine sent une bouffée de culpabilité monter en elle. Elle est sans doute la cause du désordre de Marc, elle est probablement la source de ses grosses bêtises, mais, comme elle s’en défend depuis le jour où elle a imposé sa volonté de quitter Marc, elle tâche de prendre de la distance avec ses émotions, elle enfouit tout au fond d’elle et elle répond stoïque :

-       Vous m’appelez, alors je vous réponds…

-       Tu sais Ludivine, tu t’en souviendras toute ta vie de Marc, c’est un peu ton premier amoureux et on se souvient toujours de son premier amoureux…

«  Son premier amoureux »… Josiane a toujours cette façon désuète de dire les choses mais malgré la distance que Ludivine souhaite désormais ériger avec Marc, elle reconnait le grand cœur de Josiane, sa gentillesse, son accueil chaleureux après qu’elle a été virée de la maison de maître au perron écroulé et au portail fermé. Mais sur l’instant, Ludivine se fiche bien de se souvenir toute sa vie de son « premier amoureux », elle dirait plutôt « son premier mec »,  et elle n’est même pas sûr de vouloir connaître la grosse bêtise que Marc a faite. Alors, elle acquiesce patiemment, attendant que le cœur de Josiane déverse sa déception sur elle.

-       Et puis pour moi, tu étais un peu comme ma fille, mais bon, c’est bien ton choix d’avoir quitté mon fils….

Il y a comme un sanglot retenu dans la voix de Josiane, mais elle continue à parler :

-       J’ai longtemps hésité à t’appeler pour te dire, mais bon, je sais pas… Peut-être que j’ai l’impression que quelque chose n’est pas fini entre vous…

Mais de quoi je me mêle… se défend Ludivine, accrochée au combiné téléphonique. Cependant, elle ne rétorque rien, elle continue à écouter, silencieuse et curieuse de la suite.

-       Ludivine, tu es toujours là ?

-       Oui, oui, répond-elle d’un ton qu’elle veut affirmé.

-       Bon, ben voilà… dit Josiane

Et dans un souffle, elle ajoute :

-       Marc a fait une tentative de suicide.

Le téléphone collé à l’oreille, Ludivine se laisse tomber sur la petite chaise dans l’angle de sa chambre de bonne, les jambes coupées à l’annonce de cette nouvelle. Josiane poursuit :

-       Tu sais qu’il avait été appelé pour faire son service militaire, et qu’il ne voulait pas le faire. Et là, il devait y aller, et puis, je sais pas trop ce qu’il s’est passé avec eux, le fait est qu’il s’est retrouvé à l’infirmerie du régiment et c’est là qu’il a fait sa bêtise.

-       Mais il a fait quoi ? demande Ludivine, intriguée.

-       Quoi, il a fait quoi ?

-       Ben, il a pris des médicaments ?

-       Non, non, il a tenté de se pendre avec le fil du téléphone…

Avec le fil du téléphone ? Ludivine ne sait pas si il faut qu’elle rigole ou qu’elle pleure. Elle choisit de s’esclaffer :

-       Mais c’est n’importe quoi !...

-       Oui, t’as raison, c’est ridicule…

-       Et il en est où, là ?

-       Ils l’ont gardé quelques jours et puis ils l’ont dirigé vers un hôpital psychiatrique.

Ludivine hésite, mais elle répond quand même.

-       Ah bah c’est bien, il a eu ce qu’il voulait ; il va être réformé, du coup…

-       Non, non Ludivine, il a pas fait ça pour ça, il a fait ça parce qu’il est malheureux que tu l’aies quitté.

Ludivine se crispe, elle sent l'urgence de mettre un rempart entre ce qu’elle entend et la culpabilité toujours bien ancrée qu’elle ressent. Et  puis, il y a cette fichue incertitude d’avoir fait le bon choix, ça lui tourne la tête, tout ça. Alors, elle se défend et répond d’un air qu’elle veut toujours affirmé :

-       Ouais, enfin, on en avait déjà parlé, il ne voulait pas faire son service et il était prêt à tout. Alors, je veux bien qu’il soit malheureux à cause de moi, mais ça tombe bien, tout ça.

-       Comment ça, ça tombe bien tout ça ?

Et puis, d’une toute petite voix, Josiane lui dit :

-       Alors, c’est sûr, tu ne veux vraiment pas revenir avec lui ?

Devant la voix de Josiane remplie de peine, Ludivine se sent vaciller, soudain très incertaine.

La suite dans quelques jours ?

Mais, période de congé oblige, je te donne rendez-vous, non pas dimanche prochain, mais le dimanche suivant. Oui, la semaine prochaine, je ne pourrais pas écrire pour cause de retraite méditative, juste connectée à ma propre résonnance. 😎😶🙏

 

Sandrine L

Ecrivant

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