Des gènes errants - Clap 44 – Bitume


 


Bonjour la Smala-vie-comme au cinéma (clap 44)

Si tu prends la lecture de ces petits textes en cours de route, arrête-toi de suite !.... Tu ne vas rien comprendre ! Il te faut revenir au tout premier texte, celui du 4 septembre 2023, intitulé « Ça part de là »,  et respecter l’ordre chronologique des claps…

Si tu es assidu-e depuis le 4 septembre 2023, tu auras remarqué que, désormais, cette histoire trace son chemin. Alors ensemble, poursuivons-là…

Bonne lecture !


Quand Ludivine reprend conscience, c’est la panique autour d’elle. Comment ne pas être paniquée également ? Un attroupement l’entoure et l’empêche de respirer, ça parle fort, c’est incohérent, elle ne sait pas où elle est. Elle sent juste qu’elle est allongée au sol qu’elle perçoit dur, froid et granuleux sous son corps. Lorsqu’elle parvient à ouvrir les yeux, elle voit des visages inconnus et au-dessus d’eux, un ciel bas et gris d’où tombe comme une légère bruine pénétrante. Tout est réuni pour un moment difficile. Mais que fait-elle là ? Et puis, elle entend autour d’elle, plus précisément,, comme dans un rêve, ou plutôt comme dans un cauchemar, ces mots qui semblent la concerner :

-       Mais poussez-vous, laissez là respirer…

-       Elle se réveille…

-       Faut appeler les pompiers !

-       C’est fait, c’est fait….

Effectivement, une sirène retentit au loin, s’approche puis s’arrête à quelques mètres. Ludivine replonge dans une inconscience cotonneuse. Trop difficile à supporter ce froid du sol, la bruine environnante, tout ce monde autour d’elle… Mais à nouveau, très vite, elle revient à elle, comme si elle rejoignait la surface des choses, un masque à oxygène sur le visage. Elle y prend de grandes goulées, et c’est suivi rapidement d’une sensation d’euphorie. Quelqu’un veut lui enlever le masque, elle le retient sur son visage aussi fermement que son état de faiblesse le lui permet. Elle y respire à nouveau longuement, goulument, comme si sa vie en dépendait. Et sa vie en dépend, assurément… De nouveau, on tente de le lui ôter, mais elle n’a plus la force de s’imposer, la panique l’enveloppe toute entière, elle pleure sur le bitume ajoutant ses larmes à la bruine. Quelqu’un a étendu sur son corps une couverture de survie qui crisse comme du papier aluminium. La pensée fugace d’être un aliment qu’on va mettre au frigo la traverse, et l’onde qui parcourt son corps est une onde de panique plus que de douleur. Elle ne le sent pas, son corps, elle sent juste les éléments alentour, tout ce monde tout autour d’elle, ces vagues d’affolement qui la traversent, et cet aimable pompier qui la prend en charge tout en tentant de la calmer.

-       Mademoiselle, vous m’entendez ? Ça va aller…

Elle pleure sous son papier d’alu, elle ne comprend pas ce qui lui arrive. Elle se souvient avoir traversé la rue en sortant du commissariat, comme soulagée d’avoir fait ce qu’elle avait à faire, lancer un avis de recherche pour retrouver sa mère. Ca, elle s’en souvient bien. Et puis tout à coup, plus rien, elle se retrouve là, au milieu de la chaussée, elle a comme la sensation d’un trou noir entre le moment où elle s’élançait et cette anxiété intense qui la saisie d’effroi sur le bitume. Quelqu’un lui prend la main. Elle lève les yeux et reconnait vaguement ce visage, un nez épaté et de tous petits yeux bleus enfoncés sous des paupières tombantes. Soudain, ça lui revient. C’est Marc. Il semble inquiet, et pour cause.

-       Eh… ça va ? Tu m’as fait peur, tu sais…

Ludivine peu à peu reprend ses esprits, mais sa peur à elle ne la lâche pas, elle continue de pleurer. Le pompier lui demande :

-       Vous pouvez me dire votre prénom ?

-       Ludivine, dit-elle faiblement entre deux sanglots.

-       Et vous pouvez aussi me dire quel jour on est ?

-       Euh… Samedi…

-       Vous sentez ma main sur votre jambe ?

-       Euh, oui, oui…

-       C’est votre jambe droite ou gauche ?

Ludivine hésite, comme elle le fait toujours quand il faut distinguer la droite de la gauche.

-       Humm… la droite. Euh non, non ! c’est la gauche…

Puis, la voix de Marc :

-       Ah, ça a l’air d’aller, non ?

-       On peut pas dire encore, lui répond le pompier. Elle a perdu connaissance un bon moment, on ne sait jamais, il faut l’emmener à l’hôpital pour faire des examens complémentaires.

Ludivine réclame à nouveau le masque à oxygène, sentant monter encore les sensations d’une vague de panique. Elle réalise qu’elle vient d’avoir un accident et c’est peut être grave… Pendant qu’elle respire et retrouve une petite détente qui lui fait tourner la tête tout en la rassurant, un autre pompier vient à la rescousse du premier pour la déposer sur une civière. Ils la soulèvent avec beaucoup d’application, d’attention et de précaution. Puis, Ludivine est transportée dans le camion. Enroulée dans sa couverture de survie, le masque cachant son visage, elle est totalement immobile, comme figée ; on pourrait croire que c’est un corps mort qui est charrié. D’ailleurs, on entend çà et là, tout autour du véhicule, les réflexions des curieux qui viennent d’arriver :

-       Oh là là, mais qu’est qui s’est passé ?

-       Il est mort ?

-       Non, non, c’est une fille, elle est pas morte…

A l’intérieur de l’habitacle, les néons du camion éblouissent Ludivine, elle ferme les yeux et continue consciencieusement à respirer l’oxygène du masque. La sirène indique que la situation n’est pas désespérée, ça fait un « pin-pon » comme un « tiens bon ». C’est ce que perçoit, comme un signe, Ludivine entourée du premier pompier et de Marc qui est monté avec eux. Et c'est toujours dans une sensation de coton environnant qu’elle les entend échanger :

-       Vous avez vu ce qu’il s’est passé ? demande le pompier à Marc.

-       Ah oui… répond Marc d’une voix émue. En fait, elle a traversé, y’a une voiture qu’a déboulé. Je l’ai vu sauter en l’air… Euh, ma copine, hein, pas la voiture… J’ai rien compris… Elle est retombée sur le pare-brise et puis elle a glissé sur le côté. Le temps que je sorte de ma voiture, la bagnole qui l’a percutée, elle est partie…

-       Culotté le mec… Juste devant le commissariat… fait le pompier.

C’est alors que le conducteur intervient.

-       J’ai entendu que quelqu’un a relevé le numéro de la plaque. C’était une Renault 5.

-       Oui, rétorque Marc, c’était une Renault 5 verte.

Hormis le son strident d’un crissement de pneu et la sensation d’être projetée dans les airs juste au moment où elle traversait, Ludivine n’a pas d’autres souvenirs. Elle n’a pas vu la voiture, ni sa marque, ni sa couleur. Elle a oublié la chute sur le goudron, elle ne sait pas comment elle est retombée, probablement au vue de ce que décrit Marc, comme une poupée de chiffon qu’on balance. Elle se sent remuée, intriguée d’avoir perdu conscience. Elle ne ressent aucune douleur dans son corps et soudain, ça l’inquiète. En même temps, elle sent quand on la touche et ça la rassure : peu avant, la main du pompier sur sa jambe, la main de Marc dans la sienne, puis, le contact des mains des deux pompiers quand ils l’ont transportée sur la civière. Tout de même, elle reste soucieuse de son état et surtout elle a très peur des hôpitaux. Elle n’est pas tranquille et, c’est indicible, elle sent une alerte dans tout son corps, à nouveau une onde de panique la traverse, la figeant d’effroi.

Alors qu’elle ressasse son angoisse, elle entend Marc lui parler :

-       T’as entendu, y’a quelqu’un qui a relevé le numéro de la voiture. On va le retrouver ce salaud !...

Mais Ludivine pense : oui, et alors ? Et après ? Ça ne l’intéresse pas, tout ça, elle veut juste que ce soit un mauvais rêve, elle refait le film à l’envers : au bord de la route, elle regarde à droite puis à gauche avant de traverser et rien  n’arrive. Elle recommence, elle regarde à droite, à gauche, rien ne survient... Elle veut y croire. Hélas,  elle est belle et bien là, allongée sur la civière, inquiète et paniquée. Elle s'en veut, elle se sent si coupable. Tout ça, c'est de sa faute : sûrement qu'il fallait qu’elle s’abstienne de déposer cet avis de recherche. Sans cette visite au commissariat, rien de cet accident ne serait arrivé, elle en est certaine.

Elle entend Marc qui lui dit :

-       Bon, ça a l’air d’aller quand même ?

Ludivine grimace. A vrai dire, quelques douleurs commencent à s’éveiller dans tout son corps et l’angoisse ne la lâche pas. Marc sent bien que ça n’est pas la grande forme. Alors, pour faire diversion, pour tenter de lui changer les idées, il lui dit :

-       Quand on sera à l’hôpital, faut que j’appelle ma mère pour la prévenir. Tu te souviens qu’on devait aller manger chez ma mère et Bernard ?

-       Mais, c’est pas dimanche aujourd’hui ? dit Ludivine, sourcil froncé.

-       Ben non, tu sais bien, tu l’as dit tout à l’heure au pompier, on est samedi.

-       Oui, ben c’est le dimanche qu’on va manger chez ta mère d’habitude, non ?

-       Tu oublies qu’aujourd’hui, c’est la fête des mères !

Le sang de Ludivine ne fait qu'un tour devant cette coïncidence, comme un nouveau signe ; elle se fait renverser le jour de la fête des mères, le même jour où elle dépose son avis de recherche au commissariat. Mais de quoi cela peut-il être le signe ?  


La suite dans quelques jours ?

Sandrine L

Ecrivant


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