Des gènes errants - Clap 39 – Le chemin de Marc


 

Bonjour la Smala-vie-comme au cinéma (clap 39)

Si tu prends la lecture de ces petits textes en cours de route, arrête-toi de suite !.... Tu ne vas rien comprendre ! Il te faut revenir au tout premier texte, celui du 4 septembre 2023, intitulé « Ça part de là »,  et respecter l’ordre chronologique des claps…

Si tu es assidu-e depuis le 4 septembre 2023, tu auras remarqué que, désormais, cette histoire trace son chemin. Alors ensemble, poursuivons-là…

Bonne lecture !

Chez Marc et ses parents, au 12ème étage du HLM, Ludivine est engoncée dans un lit trop étroit, coincée entre un mur et un garçon gentil mais dont elle n’est pas amoureuse. Josiane, la mère de Marc, est comme une mère pour Ludivine. Josiane est douce, sent toujours bon, à les yeux bleus de la mer, les cheveux blonds comme les blés, la vaillance d’une brave qui travaille toute la semaine comme instructrice dans une auto-école, alors que son mari, Bernard, le beau-père de Marc, reste à l’appartement la journée durant, sans emploi et n’ayant pas l’air de se soucier de quoi que ce soit. Bernard est l’archétype même du routier sans camion qui ne se formalise pas de laisser travailler sa femme, tout en ayant chaque soir son steak cuisiné au beurre et aux petits oignons dans son assiette. Ludivine s’interroge à son sujet et croit comprendre qu’il est en arrêt de travail suite à un accident. De toute façon, ça ne communique guère entre Marc et Bernard. Ludivine se nourrit bien plus de la présence de Josiane qui lui transmet les savoir-faire d’une mère à sa fille : savoir bien repasser, savoir bien cuisiner, savoir bien être là, mère pour son fils, femme pour son époux. Ludivine est une éponge qui se gorge d’eau de (cette) mère, elle se nourrit des talents de Josiane, elle en prend, elle en laisse, elle trouve cette maman bien sacrificielle, toujours tournée vers son petit monde sans jamais penser à elle. Mais Ludivine prend ce côté mère par procuration, tout en taisant son désir profond et de plus en plus prégnant, celui de retrouver la sienne. 

Parce que, oui, n’est-ce pas quand on prend conscience de l’existence d’un possible que le manque surgit ? Josiane devient peu à peu le possible de Ludivine qui créé le manque de sa mère.

Après tout, à présent, loin de son père qui ne daigne toujours pas ouvrir la porte de la maison de maître au perron éboulé et au portail grinçant, qu’est ce qui l’empêche d’aller à sa recherche ? Alors, elle commence petitement, dans son imaginaire, se la représentant aussi merveilleuse que Josiane, par petites touches, effleurant le sujet, du bout de sa mémoire. Pour l’heure, elle n’en a qu’un souvenir olfactif enfoui, fugace, une douceur de fourrure, des sensations, juste des sensations à fleur de peau rangées dans son cerveau et tout au fond de ses entrailles. Seules la senteur du lilas et de la violette, la douceur d’une couverture sous ses doigts sont susceptibles de remuer quelque chose en elle, comme un volcan qui dort. Tout au fond de ses entrailles….

Mais le quotidien la plaque au sol, l’immobilisant dans sa volonté de recherche. Ludivine travaille et fait des trajets incessants entre sa caisse au magasin, le HLM surchauffé, la maison de pierre imperturbablement fermée au perron éboulé et au portail grinçant, ses visites à Anna, Geneviève et Madhi. Les journées sont pleines et lui glissent entre les doigts tant elle est occupée à gagner sa vie, tout prenant soin des êtres qui l’entourent, persistant à maintenir le contact bien que ce souhait ne soit pas partagé.

Josiane est heureuse d’avoir à la maison son fils et Ludivine. Bernard, le beau-père routier sans camion, lui, est contrarié de ces présences constantes dans le petit appartement, chaque soir. Il est obligé de partager, a minima, le fumet de son steak cuisiné au beurre et aux petits oignons et surtout, ça le fatigue ces conversations, comme un semblant de famille, il n’y porte aucun intérêt et ne participe que rarement aux échanges. Ces soirées ensemble font contraste avec ses journées remplies des seules ondes du petit écran allumé en permanence. Bernard est taiseux, un bloc au milieu du salon, la place du chef, quand Josiane gravite autour de lui, répondant à tous ses besoins. Il a toute la journée devant le petit écran, pour éplucher les annonces dans le journal. Il ne s’est pas privé : il a trouvé à Marc et Ludivine un appartement pas trop cher à louer à quelques kilomètres du HLM et d’autorité, il leur a pris un rendez-vous pour qu’ils aillent le visiter, mettant une option immédiate sur le bien, allant jusqu’à affirmer son accord en parlant de Josiane cautionnaire, sans qu’elle ne soit au courant. On dirait bien que Bernard veut que Marc et Ludivine dégagent…

Et, effectivement, rapidement, Marc et Ludivine aménagent ensemble, Josiane se porte caution et Bernard peut enfin regarder sa télé tranquillement sans avoir à partager discussion, fumet et plat du soir. Josiane, elle, continue à aider le jeune couple, « ses petits », comme elle aime à les appeler.

Ils occupent à présent un petit appartement de deux pièces, au deuxième étage d’un immeuble tout près de la voie de chemin de fer. Pour se rendre à la capitale, pour Marc qui n’est pas que DJ, mais aussi plombier, c’est pratique, la gare est juste en face et ce côté pratique élude le désagréable de la situation. Les trains claironnent régulièrement, mais à force, on n’en fait plus cas. L’enthousiasme d’avoir un petit lieu à soi prend le dessus sur tout le reste, le bruit des rails, les papillons absents, les portails qui grincent, les portes qui ne s’ouvrent pas, les journées éprouvantes à gagner ce petit confort. Ludivine s’extasie du luxe de la machine à laver le linge, apprécie de pouvoir décorer son tout petit salon, découvre les subtilités des aménagements faits pour les tous petits endroits, les tables qui se replient vissées contre le mur, la télé qu’on allume ou pas, les rideaux qui voilent sans occulter, et aussi, avoir un chat à elle, propre et ronronnant. Les chats de la maison de maitre au perron envahi et au portail rouillé étaient à moitié sauvages, et très vite, ils ont disparu peu à peu de la cour tant ils étaient peu accueillis. Marc impose sa disco mobile encombrant la minuscule chambre ? Qu’à cela ne tienne, Ludivine lui oppose un chat. Une chatte plus précisément. Elle se sent moins seule, Marc est souvent absent, partant tôt le matin pour son boulot de plombier, puis enfermé dans la chambre, le casque sur les oreilles tout le soir, s’évertuant à jouer les DJ appliqué pour ses soirées à animer. Ils se retrouvent au dîner, celui que Ludivine a concocté pour eux, mettant consciencieusement en application tout ce que lui a transmis Josiane, le beurre, les oignons, le steak et le fumet.

Marc a les cheveux tout ébouriffés, les yeux fatigués, il semble légèrement agacé en sortant de la chambre.

-       Ca va ?

-       Ouais ouais…

-       Ca a pas l’air…

-       Oh j’en ai marre de ce boulot, j’aimerai faire DJ tout l’temps, c’est ma vie la musique, pas les canalisations.

-       Oui, mais bon, faut bien travailler, non, sinon…

Il la coupe :

-       Oui, je sais, tu vas pas faire comme Bernard, hein… Y m’a suffisamment fait chier, cuilà, et en plus lui, il travaille pas.

-       Ca rapporte pas bien tes animations, ça serait pas suffisant pour tout payer.

Marc est vraiment éreinté et mange de bon appétit. Ca doit être bon ce qu’a préparé Ludivine. Mais Marc ne dit jamais rien, il n’est pas difficile et puis, si les repas aux petits oignons de sa mère lui manquent, chaque dimanche midi, comme un rituel, c’est un retour au HLM, pour débattre de la semaine et faire le plein d’un bon repas en compagnie de l’immuable et taiseux Bernard.

-       Au fait, dimanche prochain, je ne pourrais pas venir manger avec toi chez ta mère.

-       Ah bon, mais pourquoi, répond Marc, une petite lueur d’inquiétude au fond des yeux.

-       Ben, je vais voir Anna, j’ai pas eu le temps cette semaine et je voudrais y aller, quand même.

-       Ah Anna…. Oui, tiens ça fait longtemps que tu m’en avais pas parlé. Qu’est-ce qu’elle devient ? Toujours en arrêt ?

-       Ca fait plus de 6 mois qu’elle est malade, je te l’ai déjà dit, mais bon, tu m’écoutes pas… Et puis, de toute façon, elle va pas….

Marc à nouveau, la coupe dans son élan :

-       Ca me rappelle quand on s’est rencontré, tu te souviens ?

Oui, bien sûr Ludivine en a un souvenir limpide. Ça ne  fait que 7 mois qu’ils sont ensemble, ils s’en est passé des choses sur cette période, mais en même temps, certaines choses n’ont pas bougé : la porte de la maison de maître est restée immuablement fermée, la santé d’Anna a rencontré des hauts et des bas mais surtout beaucoup de bas sans jamais retrouver la santé, Ludivine a continué à être assidue dans toutes ses visites.

Tout à coup, le regard fixe et nostalgique, Marc dit :

-       Dire que j’hésitais entre toi et elle, ce soir là…

Ludivine a comme un coup de poignard dans la poitrine, elle regarde Marc et trouve leur vie bien tiède, au milieu des passages de train, leur boulot sans avenir, ces trajets incessants, leurs finances fragiles, et surtout, leur relation né d’un pis-aller.

Marc n’a rien ressenti de son trouble et n’a pas cherché à avoir d’avantage de nouvelle d’Anna. Il est déjà retourné dans la chambre, lui laissant la table à débarrasser et la vaisselle à faire.

Ludivine se lève, prend sa chatte dans les bras, se love avec elle sur le canapé qui fait face à la télé. Elle songe que s’il savait ce qu’il a évité avec Anna, Marc, il n’aurait pas de nostalgie…

 

La suite dans quelques jours ?

 

Sandrine L

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