Des gènes errants - Clap 22 – Troublant

 


Bonjour la Smala-vie-comme au cinéma (clap 22)

Si tu prends la lecture de ces petits textes en cours de route, arrête-toi de suite !.... Tu ne vas rien comprendre ! Il te faut revenir au tout premier texte, celui du 4 septembre 2023, intitulé « Ca part de là »,  et respecter l’ordre chronologique des claps…

Si tu es assidu-e depuis le 4 septembre 2023, tu auras remarqué que cette histoire a désormais pris son autonomie. Alors, ensemble, poursuivons-la…

Bonne lecture !

« A la table du petit déjeuner, Marie-Jeanne et Ludivine sont déjà attablées depuis un bon moment. Manie et Panou sont avec elles. Ils sont rentrés tard de la capitale hier et se sont rapidement couchés, tous éreintés de cette folle journée à parcourir les allées d’un parc verdoyant et bétonné, en patin à roulettes ou en vélo, se gavant de marrons chauds et de cacahouètes tout en appréciant la grandeur intérieure de la Tour Eiffel, campés sur l’esplanade, juste dessous ses jambes. Quelle merveille, ces escapades, on en voit du pays avec Panou et Manie, même si ça reste un tout petit coin du pays, mais la capitale, ça n’est pas rien.

Après cette journée touristique dans « la plus belle ville du monde », comme se plait à l’appeler Panou, la nuit qui a suivi a été agitée. La pleine lune dans un ciel plein d’étoiles a tenu Ludivine en éveil. Les cacahouètes ont commencé très vite à lui peser douloureusement sur l’estomac, ternissant le beau souvenir de cette journée exceptionnelle. La tête lui tournait et tout chavirait autour d’elle quand elle s’est précipitée pour aller aux toilettes. Est-ce possible que la fin de sa vie puisse être du même ressort que cette horrible sensation de tous ses viscères au bord des lèvres ? Les larmes lui coulaient des yeux, dans cet inconfort à la limite du supportable. Son cœur était soulevé haut au fond de son gosier retombant lourdement tout au bord de son ventre, jusqu’à ce qu’un geyser puissant lui sorte de la bouche, arrosant abondamment le papier peint de la chambre, lui laissant un gout abominable en fond de gorge et sur la langue, lui donnant encore et encore des hauts de cœur à n’en plus finir. Ce n’est que lorsqu’elle eut terminé de régurgiter cacahouètes mal mâchées et bile acide, qu’elle se sentie libérée. Puante, souillée, mais libérée.

Ne voulant réveiller personne, elle a discrètement changé son pyjama, tant bien que mal nettoyé ses souillures, épuisée et impatiente de retrouver la chaleur réconfortante laissée par son propre corps sous la couverture, tout près de celui de Marie-Jeanne qui, elle, n’avait pas bronché… Pour le reste, on verra demain !

C’est alors qu’elle a entendu des bruits, en bas, dans l’entrée. Un tintement de clés, des murmures de voix, des chuchotements appuyés, des mots plus hauts que d’autres, des pieds de chaises raclant le carrelage de la cuisine. Ludivine s’était relevée, poussée par sa curiosité, avait entrouvert légèrement la porte de leur chambre et du haut de l’escalier avait distinctement entendu la voix de Manie qui disait :

-       Attends, je vais te soigner ça…  Mais quelle idée… Quelle idée de monter sur la tonnelle pour aller nettoyer la terrasse… En pleine nuit ! Mais comment t’as fait ça ? T’as pris une branche ? Ah, eh ben, tu t’es pas raté, c’est profond, avec ça…. T’es pas sérieux… On n’aurait pas été là… t’aurais fait quoi, avec les gosses là-haut, hein ?...

Et la voix de Panou, plus grave :

-       Quand j’te dis qu’il a quelque chose qui tourne pas rond, ton fils….

 Ce matin, l’ambiance au petit déjeuner est lourde, morne, grise et pluvieuse. On aperçoit par la fenêtre, les feuilles du saule pleureur frissonner au contact de la pluie. Panou est posé plus silencieusement que d’ordinaire à son bout de table, le nez dans ses tartines. Le regard du père, lui est fuyant, agité. Comme habité ? C’est un mauvais jour, inutile de sortir de St Cyr pour s’en rendre compte. Seule Manie semble joyeuse et enthousiaste, virevoltant tout autour de la table pour veiller à ce que tout le monde ait de quoi se sustenter, l’air de rien, comme si le gros coton grossièrement scotché sous le nez du père, formant comme une moustache blanche tranchant avec le poivre et sel de ses longs cheveux ramassés en une queue de cheval, était la chose la plus anodine qui puisse être.

Marie-Jeanne, qui n’a jamais la langue dans sa poche quand elle daigne lever les yeux de ses livres, regarde le père et dit :

-       Ben, c’est quoi ce truc, Papa, qu’est que t’as fait ?

Manie s’empresse de répondre à sa place :

-       C’est rien… Il s’est fait mal avec une branche du saule pleureur. Va falloir le tailler, cui-là….

Ludivine plonge le nez dans son bol tout en trouvant ça louche… Une branche du saule pleureur ? C’est loin de constituer une arme. C’est tout flexible, ça pend mollement au sol. Elle-même, quand elle s’amuse comme souvent à se faire caresser le visage par les branches tombantes, quand elle passe dessous, debout sur les pédales de son vélo, jamais au grand jamais, elle n’est arrivée à se blesser.

C’est sûr, ça n’est pas un bon jour, mais en plus, Ludivine perçoit un truc qui cloche, quand Panou, lui, reste muet comme une carpe. Ou comme une tombe. »

La suite dans quelques jours ?

Sandrine L

Ecrivant

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