Des gènes errants - Clap 20 – Sauve qui peut

 


Bonjour la Smala-vie-comme au cinéma (clap 20)

Si tu prends la lecture de ces petits textes en cours de route, arrête-toi de suite !.... Tu ne vas rien comprendre ! Il te faut revenir au tout premier texte, celui du 4 septembre 2023, intitulé « Ca part de là »,  et respecter l’ordre chronologique des claps…

Si tu es assidu-e depuis le 4 septembre 2023, tu auras remarqué que cette histoire a désormais pris son envol, son autonomie. Alors ensemble, poursuivons-la…

Bonne lecture !

 

« Sur le pont suspendu, c’est le temps qui l’est, pour Adam et David. Le soleil est couché depuis un moment déjà. Le vent a repris de plus belle. On n’entend que lui qui court à travers les feuillages des arbres alentours. Au loin, on aperçoit les phares des voitures à la queue leu leu, en un long ruban scintillant qui rejoint la brillance de la ville. Le pont suspendu, lui, est enfoui dans la nuit. David a profité de l’obscurité pour imperceptiblement s’approcher encore plus d’Adam sans que ce dernier ne s’en aperçoive. Le dialogue n’est plus de mise. Chacun est dans sa bulle, mais celle de David se colle à celle d’Adam.

David est assis à quelques mètres en amont et Adam, sur la rambarde haute, les jambes dans le vide, a le regard toujours absorbé par un point au loin. Il est dans son monde, son monde de ténèbres, d’obscurité, de démons. Toutes les pensées s’entrechoquent dans sa tête formant un méli mélo d’équilibriste, l’engageant à passer cul par-dessus tête, pour en finir de son mal-être et de son inertie. Mais pour l’heure, par bonheur, l’inertie est le plus fort. Il reste scotché sur la rambarde, tanguant entre le vide et le béton du pont, oubliant la présence de cet individu à quelques mètres de lui, en amont, ce David inquisiteur.

Que se passe-t-il dans la tête d’Adam ? Son mal-être est tel qu’il a autant besoin de courage pour en finir que de courage pour passer à l’acte. Les deux courages n’ont pas la même racine. La racine du courage pour en finir se nourrit de soulagement immédiat, quand la racine du courage pour passer à l’acte prend sa source dans l’action. Il ne trouve aucune des deux en lui. Ni plaisir, ni réalisation. Il reste englué dans son inertie, là, au bord du pont, en suspens. Il en faudrait tellement peu pour basculer par-dessus bord ou pour revenir à la raison.

David, peu à peu, parvient à gagner quelques centimètres. Il est tendu à l’extrême vers cet ombre qui veut en finir, leurs bulles collées l’une à l’autre. La sueur lui coule dans le dos alors que le vent rafraîchit l’air ambiant. Il refuse d’être le témoin silencieux de l’ultime vol d’un homme qui semble s’être déjà brulé les ailes. Le pont est haut, suspendu au-dessus d’un ravin. Si l’homme saute, c’est sûr, il ne se ratera pas.

Soudain, dans un sursaut souple et assuré, David bondit sur Adam, le tirant en même temps hors du vide. Adam se tend au contact brusque de David, ils roulent ensemble lourdement sur l’asphalte dur du pont suspendu, leurs corps enchevêtrés l’un à l’autre en un combat mâle et désarticulé.

La pleine lune blafarde éclaire ce corps à corps maladroit.

Puis tout à coup, tout s’arrête. David maintient fermement Adam qui se met doucement à pleurer, relâchant tout son être sous la prise adverse. Peu à peu, il pleure à gros sanglots, recroquevillé sur lui-même, tel un fœtus, les compteurs à zéro. David, décontenancé mais rassuré, détend sa poigne peu à peu, s’assoie à son côté, légèrement sonné de ce combat improvisé. Il sait, il sent qu’Adam s’est à présent comme apaisé, libérant toutes les larmes de son corps. Il sait que dans l’instant, là, Adam ne remontera plus sur le pont, qu’il a roulé du côté du soulagement, celui de ne pas être passé à l’acte, dépris momentanément de ses démons.

David relâche son attention et s’apaise. Il s’allonge près d’Adam qui continue à déverser ses larmes sur le bitume. Le temps passe, sans un mot de part et d’autre. Seuls les soupirs du vent parviennent peu à peu à couvrir les sanglots d’Adam.

Dans la bagarre, Adam s’est ouvert sévèrement le dessus de la lèvre, juste sous la narine droite. Ca pisse le sang, mais il s’en fiche royalement : d’un revers de la main, il tente d’effacer cette plaie, ça lui fait un mal de chien, une douleur de plus, il n’est plus à ça près. C’est alors qu’il se lève brusquement et court comme un dératé vers les lumières de la ville, laissant là sur le pont cette envie d’en finir, et un David providentiel, circonspect, pris de court.

Adam n’a qu’un souhait, celui de vite s’enfermer dans son antre, son refuge, son repère, la maison de maître au perron de pierre et son portail en fer forgé, le seul lieu où il se sent protégé, avec tous les personnages qui l’habitent, qui lui tiennent compagnie. »     

 

La suite dans quelques jours ?

 

Sandrine L

Ecrivant

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