Des gènes errants - Clap 18 – Chiens de faïence

 

Bonjour la Smala-vie-comme-au-cinéma  (Clap 18)

Cette histoire atteint sa majorité ; nous en sommes au 18ème clap…

Laissons-la prendre son envol, son autonomie, seule, sans texte parallèle ; par définition, les parallèles, ça ne se rejoint jamais…

Et si tu prends la lecture en cours de route, arrête toi de suite !.... Tu ne vas rien comprendre ! Il te faut revenir au tout premier texte, celui du 4 septembre 2023, intitulé « Ça part de là »,  et respecter l’ordre chronologique des claps…

Bonne continuation de lecture !


« Voilà une journée bien exceptionnelle qui pointe le bout de son nez.

Dans la maison de maître au perron de pierre et au portail en fer forgé, jamais personne ne vient depuis qu’ils sont tous les trois, Marie-Jeanne, Ludivine et le père. Les jours sont scandés par le temps qu’il fait, arc en ciel ou pas, et surtout, plus que jamais, par la mine du père. Est-ce que ce matin, il a des pépites d’or dans ses yeux marron ? Est-ce qu’à son apparition à la table du petit déjeuner, il aura le sourire au coin des lèvres ? Est-ce qu’il va parler plus que de raison ou se terrer dans ses silences ? Est-ce qu’aujourd’hui, les vents qui vont le traverser arriveront de tous les points cardinaux à la fois, au point d’en faire une girouette dont Ludivine n’a pas les codes ?

Ludivine, depuis son rêve de chute pendant le feu d’artifice, est de moins en moins sereine, de plus en plus certaine qu’elle ne peut pas compter sur lui. L’intuition d’une fragilité délicate mais inexplicable s’est infiltrée en elle, irrémédiablement. C’est comme un doute déjà présent auparavant, qui s’est révélée là, de façon explosive, à l’image des pétards dans le ciel noir. Voir apparaître le père, en déchiffrer l’humeur devient pour elle un automatisme, une seconde nature qui lui dicte la conduite à adopter pour le restant de la journée. Ludivine a perdu sa forteresse. Elle reste sur ses gardes.

Mais voilà une journée bien exceptionnelle et particulière qui arrive. Ce matin, c’est un jour avec. On a de la visite. Pas n’importe laquelle.

Aujourd’hui, Panou et Manie viennent à la maison. C’est plusieurs bonheurs en un.

Le sourire rayonnant de Manie fait chaud au cœur, une vraie Mamie Nova, les pommettes hautes et roses, les cheveux mi court tout bouclés autour d’un visage avenant. Elle serre très fort Marie-Jeanne et Ludivine dans ses bras de mamie replète, elle sert, elle sert, à tel point que Ludivine en a le souffle coupé, le nez coincé entre ses deux seins.

Panou, c’est encore autre chose. Une voix tonitruante, le regard sombre mais tout autant rayonnant que celui de Manie, il sort parfois des mots que Ludivine ne comprend pas, surtout quand il est enthousiaste. Lui aussi aime les embrasser fort, ses petites filles, et parfois, il s’arrête soudain, pose une main sur chacune de leur tête et dit d’un air très inspiré :

-           Mes petites, je vous bénie !

Ludivine n’a aucune idée de ce que ça signifie, elle sent la main chaleureuse peser sur le haut de son crâne, elle se sent importante, assurée d’un magnifique pouvoir. Panou, c’est un magicien !

Il suffit qu’ils apparaissent tous les deux pour quelques jours, en visite et la vie s’enchante.

C’est une  journée bien exceptionnelle, particulière que voilà.

Panou est un être fabuleux de bonhomie, de joie de vivre, de savoir et de connaissance. Pourtant, Panou le dit lui-même, il n’est pas allé à l’école. Il ne sait pas écrire, mais il sait lire, il lit tout le temps et il partage ses connaissances, surtout avec ses petites filles quand ils sont tous ensemble.

Panou est un être fabuleux de bonhomie, de joie de vivre, de savoir et de connaissance. Pourtant, entre Panou et le père, il y a quelque chose qui cloche. Ils ne se regardent pas, ne se font pas la bise, ne s’adressent pas la parole. Ce sont deux extrêmes qui ne se côtoient pas, ne se rencontrent jamais. 

Manie est le lien qui les unit ; quand Panou a un message à faire passer au père, il le fait en passant par Manie.

Quand Panou et Manie viennent à la maison, ils ne se font pas inviter, ils s’invitent, prennent possession des lieux, de la cuisine, des fourneaux et c’est un joyeux brouhaha quand ils s’attablent tous ensemble pour manger et discuter, le père et Panou toujours chacun à son bout de la table, s’ignorant ostensiblement. La cuisine aux couleurs criardes prend tout de même des allures de fête, les couleurs criardes deviennent chaleureuses. Mais toujours avec cette éternelle distance entre le père et Panou. 

Panou, lui, parle, s’enthousiaste, mange avec appétit et gourmandise. C’est essentiellement aux repas qu’ils se retrouvent tous. C’est là qu’ils échangent ensemble sur tout, sur rien. Et Panou en sait des choses ! Ludivine engrange tout ce savoir transmis, joignant la mémoire olfactive des mets savoureux concoctés par Manie à la mémoire de la connaissance offerte généreusement par Panou. Ludivine aime par-dessus tout découvrir et garder en tête des expressions toutes nouvelles. Panou transmet de façon ludique, il sait y faire pour titiller la curiosité de Marie-Jeanne et Ludivine. Il le fait avec humour et imagination. Pour les mettre sur la piste, il regarde fixement le sel quand il faut trouver la fin de l’expression « être changer en statue de…. ». Il fixe intensément un couteau quand il s’agit de trouver le dernier mot de la formule « un brouillard à couper au…. ». Marie-Jeanne et Ludivine ont faim et soif de ce savoir, c’est amusant, joyeux, c’est une porte qui s’ouvre sur la lumière et le rire.

Mais quand même… Il reste cette ombre au tableau, cette distance entre les deux hommes…. Une ombre de plus qui nourrit les intuitions de Ludivine… Son père est différent.

Dans la maison de maitre au perron de pierre et au portail en fer forgé, il y a quelques chats, mais plus de chatte puisque Fifille est morte… Les félins n’ont pas le droit de rentrer à l’intérieur. Ca reste une maison à chat, mais pas de chien. On ne peut pas avoir les deux, dit systématiquement le père quand Marie-Jeanne et Ludivine réclament un chien. Parce qu’un chat et un chien, ça ne s’entend pas.

C’est comme ça que sont le père et Panou, comme chien et chat ; quand ils sont réunis, il y en a toujours un de trop, dans la maison de maître au perron de pierre et au portail en fer forgé… »

La suite dans quelques jours ?

 

Sandrine L

Ecrivant

Commentaires

  1. C'est drôle ces deux hommes qui ne se parlent pas, ne se regardent pas, s'évitent mais s'assoient l'un en face de l'autre, chacun à un bout de la table ... comment on fait pour ne pas se voir quand on est assis face à face ?? J'attends la suite, et je vais m'atteler à lire chaque semaine maintenant que j'ai rattrapé mon retard.

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