Des gènes errants - Clap 14 - Cloche

 


Bonjour la Smala-vie-comme-au-cinéma - (Clap 14)

C’est donc assitif, cette lecture… (mélange d’assidu et attentif)

Les chapitres s’accumoncellent… (mélange d’accumuler et amonceler)

Si tu en continues la lecture, c’est que ça n’est pas emmerbêtant (mélange d’emmerdant et embêtant)

Allez, on avantinue ! (mélange de avancer et continuer)


« Aujourd’hui, le père a appelé Marie-Jeanne et Ludivine du bas de l’escalier pour la corvée des patates. Il n’use pas de sa voix pour les convier, non. Il a une petite cloche dorée qu’il secoue, du bas de l’escalier. Son timbre cristallin sonne joyeusement à l’oreille de Marie-Jeanne et Ludivine. Elle retentit souvent quand c’est l’heure du repas.  

Mais là, ça n’est pas l’heure de manger ; c’est donc l’heure de la corvée des patates. Cette petite cloche qui retentit, c’est une preuve que le père est là, qu’il va bien et que sans doute, on va manger, ce soir.

Arrivées dans la cuisine, elles constatent que les économes sont bien installés face à face devant le tas de patates, prêts pour le duel, le tout posé sur du papier journal recouvrant partiellement la toile cirée jaune.

Mais le père n’y est pas ; il a tout installé et puis, il est reparti dans ses appartements.

Ludivine n’a pas eu l’occasion de plonger dans son regard vide.  Mais la mise en scène parle toute seule ; aujourd’hui, pas de profondeur dans le regard, pas de causerie, pas de son de voix, pas de sourire en coin, pas d’humour à deux balles. Juste, des patates à éplucher et une absence. Au final, peut-être bien que le gratin, c’est pour le repas de demain…

Ludivine est soucieuse, affairée sur une énorme patate, ses pensées tournées vers le père qui s’est retranché dans ses appartements, sans mot dire, ni  maudire d’ailleurs.

La patate entre ses mains, comme de juste, a plein d’yeux partout et malgré sa sale gueule, Ludivine ne veut pas qu’elle sache où elle va aller. Alors, elle l’épluche, elle la racle et la gratte, elle fait sauter toutes les petites taches noires de la grosse patate jaune pâle, s’escrime à insister plus que de raison ; de la pointe de son économe, comme lui a si bien montré Marie-Jeanne, Ludivine fait un trou, un énorme trou, bien plus gros que la tache elle-même, pour être sûr d’en avoir extrait tout son œil.

L’œil de son père, sombre, vide, et profond à la fois lui vient à l’esprit.

Soudain, à force d’être creusée, la patate se casse en deux, entre sa main et la pointe de l’économe, manquant in extremis de lui entailler à nouveau le creux doux du poignet, là où le cœur pulse, comme la fois où elle avait tant saigné.

Ludivine se lève alors de son tabouret et de toute sa hauteur, maniant l’économe façon pic à glace, elle l’enfonce sauvagement sur les deux morceaux de patate tombés sur la table, transformant son outil en une arme redoutable. Elle le plante à maintes reprises, de plus en plus vite, transformant les patates en charpie et laissant plein de trous noirs sur la nappe cirée jaune.

-       Eh, Ludivine !! Mais qu’est’c’tu fais, là ? crie Marie-Jeanne, Papa, y va pas êt’ content !

 Ludivine pose alors les yeux sur sa sœur et lui dit :

-       Ben, il est déjà pas content…

Et quelques secondes plus tard, elle rajoute :

-       Tu crois que si on lui arrachait les yeux comme celles des patates, il serait moins malheureux pour aller où il va ?

-       N’importe quoi, répond sa sœur, sur un haussement d’épaule, un air perplexe et inquiet sur le visage.

Ce soir, Marie-Jeanne et Ludivine se mettent en robe de chambre sans manger de gratin ; c’est comme le glas d’une punition, l’indice qu’il y a un truc qui cloche. Et que ce truc qui cloche n’est pas aussi doré que la cloche qui usuellement sonne les repas. »

 

La suite dans quelques jours ?

 

Sandrine L

Ecrivant


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