Des gènes errants - Clap 6 – Les jolies colonies de vacances


Bonjour la Smala-vie-comme-au-cinéma - (Clap 6)

Bon, ça y est, la promotion du film est terminée… A présent, il est à l’écran (ce que la crème est au solaire), le grand écran, celui pour lequel il faut se déplacer… Advienne que pourra. On sait ce que ça fait, les films : à l’affiche pendant quelques temps, et hop, ça disparait… Et puis parfois, ça reste longtemps en tête d’affiche, on ne sait pas (toujours) pourquoi…

Alors que les écrits, eux, restent !

Et toi, tu es toujours là ?

Alors, on continue, on s’accroche…

  

« Et puis, voilà que Ludivine a presque 6 ans. Elle est au cœur de la Normandie et à point nommé, Stone et Charden font un carton sur les ondes :

«  ♪𝅘𝅥𝅘𝅥𝅯♩ Les vaches rousses, blanches et noires, sur lesquelles tombe la pluie, et les cerisiers blancs made in Normandie…  ♪𝅘𝅥𝅘𝅥𝅯♩ ».

Elle est en colonie de vacances, loin de ses parents, au milieu d’autres enfants inconnus. Sa sœur Marie-Jeanne n’est pas bien loin, mais comme elle est bien plus grande, elle fait partie d’un autre groupe. Ca contrarie beaucoup Ludivine, mais bon…  elle reste curieuse, innocente, enthousiaste, en confiance tout de même, comme tous les gosses qui découvrent des horizons nouveaux. Il faut dire que tout se prête à l’appréciation de l’instant ; la forte odeur des vaches, la pluie en bruine et en averse, l’océan et ses rouleaux qui laissent sur les bords pléthores de coquillages, crustacés et alluvions, les bottes en caoutchouc bleues jamais assorties aux cirés jaunes, les pommiers à foison, les marées des mers hautes, basses, proches, lointaines. Tout ça, loin des portes qui claquent et des murs qui se lézardent.

Si les parents ne sont pas là, tant pis ou bien tant mieux, il faut bien se marrer, quand même… ou bien, en avoir marre ? Ludivine hésite, tangue, en équilibre précaire sur la terre normande. Mais son corps décide pour elle…

Un jour, lors d’une grande tablée, tout le monde mange et parle avec entrain, dans un brouhaha joyeux. Soudain, alors qu’elle tourne la tête un peu trop vite vers Elodie, sa voisine qui tend son assiette pour être à nouveau servie, la bouche de Ludivine cogne fortement le rebord du plat, mettant à mal gencive et incisive. Dubitative, elle sent un morceau de dent dans sa bouche et une irradiation nerveuse dans la pulpe de sa dent. Elle est traversée d’une onde de choc… Elle fait connaissance avec la douleur, la vraie, celle qui vrille le cerveau ; recroquevillée sur elle-même, elle n’est plus que ça. 

Les vaches, la pluie, l’océan n’ont qu’à bien se tenir… Plus rien d’autre n’existe que sa souffrance qui l’enveloppe et l’écorche toute entière.

Un autre jour, à nouveau attablée, elle mange avec gourmandise un morceau de poulet, la cuisse, le plus tendre et dodu, le plus onctueux à son goût. Elle en est ravie, tout entière à son plaisir. Elle mord avec vigueur et délice dans le potelé du morceau. La chair du poulet en contact direct avec le nerf à vif d’une dent cariée la saisit de stupeur.  

Arrêt sur image… Soudainement, elle n’est plus que méfiance et circonspection devant tant de contraire ; le bonheur du goût et le dégoût de la douleur.

La pluie et l’océan peuvent se rejoindre à l’horizon, elle n’y voit aucune poésie, aucun réconfort, ratatinée qu’elle est sur son supplice, parce que ça fait un mal de chien, la vache ! (normande ou pas…) 

Et puis, un matin, elle se réveille, la langue farcie et engourdie de petits boutons blancs, des aphtes, ça pique, ça lance, ça brûle. La gêne est telle qu’il en est fini pour elle des grandes tablées et des onctueuses cuisses de poulet ; elle refuse de se nourrir et devient réfractaire à cette vie communautaire. Elle fait la forte tête et des crises d’hystérie. De l’eau froide lui est versée sur la tête pour tenter de la calmer. Elle se calme, elle ravale,  mais, désormais défiante en tout, elle refuse tout soin de la part de Bertrand et Anaëlle, les moniteurs. Elle ne veut (plus) rien entendre, encore moins quand on décide d’opérer sur elle un nettoyage d’oreille à l’aide d’un coton tige ; dans un geste mal contrôlé à cause de ses gesticulations, le coton tige percute le fond de son oreille jusqu’à lui heurter fortement le tympan dans une douleur assourdissante, la faisant hurler encore plus que de raison.

Elle n’a pas encore l’âge de raison, elle n’a donc jamais raison ; quand l’ambiance de la colonie est festive au point de n’entendre que les tubes en vogue dans chaque dortoir et salle de jeux, les couloirs eux résonnent de ses pleurs et de ses cris incessants. Alors, elle est définitivement mise au ban de la petite communauté, elle, si récalcitrante à tout.

Mais elle s’en fiche, c’est bientôt la fin des vacances. Elle n’a vraiment que faire des vaches rouges blanches et noires de Stone et Charden, mais, elle connait par cœur les paroles de la chanson de Michel Sardou, «  ♪𝅘𝅥𝅘𝅥𝅯♩ Elle court, elle court, la maladie d’amour, dans le cœur des enfants de 7 à 77 ans… ♪𝅘𝅥𝅘𝅥𝅯♩  ». Elle n’est pas dans le créneau des âges énoncés, mais ça lui parle…

Elle a hâte que cette période où ses parents l’ont mise en colonie, qui plus est, loin de Marie-Jeanne, sa grande sœur bien aimée, se termine. Son corps, dans la douleur, parle, proteste, s’oppose, s’insurge. Et il ne trouve que le chemin de toute cette peine pour s’exprimer. Ca la laisse comme fragmentée, morcelée… »

 

La suite dans quelques jours ?

 

Sandrine L

Ecrivant

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